Quand je dis que l’ÉCOLE EST AU SERVICE DE L’ÉCONOMIE, QU’ELLE SE MET DE PLUS EN PLUS À SON SERVICE, on me répond que l’école a toujours été au service du capitalisme. NICO HIRTT

On peut peut-être commencer par définir ce que c’est une école démocratique ? Parce que le concept a différents sens et le concept a différentes acceptions. Traditionnellement, on parle souvent d’école démocratique pour dire une école dans laquelle, il y a des pratiques démocratiques ou alors, on parle d’école démocratique pour dire que c’est une école dans laquelle les élèves sont égaux où il n’y a pas de discrimination, de ségrégation ou d’inégalité de résultat d’après l’origine sociale, d’après le genre, d’après l’origine ethnique, etc.

Nous, notre conception de l’école démocratique, elle est plus large que ça. C’est-à-dire qu’elle englobe ces deux concepts-là, mais une école démocratique c’est aussi une école qui prépare le citoyen à vivre et éventuellement à se battre pour une société démocratique. On pourrait discuter du fait de savoir si notre société est démocratique ou ne l’est pas, mais peu importe. Il faut apprendre à y vivre. Ça veut dire, à participer comme citoyen à toute les prises de décisions qu’il y a lieu de prendre, à tout les enjeux de société qu’il y a dans une société démocratique où dans la mesure où la société n’est pas encore ou n’est pas parfaitement ou n’est pas idéalement démocratique. Il y a des combats à mener pour conquérir, renforcer, maintenir, préserver cette démocratie. Pour moi, l’enjeu de l’école démocratique, il est là. L’école démocratique est celle qui institue en chaque jeune un citoyen capable de comprendre le monde dans tous ses aspects. Économique, scientifique, technologique, sociologique, etc.

L’école doit être un lieu de vie où l’on vit la démocratie, mais ça doit aussi être un lieu où on transmet des connaissances parce que les enfants du peuple (et eux en particulier) n’ont que l’école pour accéder aux savoirs et aux connaissances.

L’école démocratique implique deux grands combats aujourd’hui. Le combat pour l’égalité sociale dans l’enseignement. Et l’autre combat, c’est le combat contre tous ceux qui souhaitent aujourd’hui ramener les objectifs d’enseignements au niveau de ce qui est requis par un marché du travail qui est de plus en plus polarisé. C’est un peu le discours de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), de la Banque mondiale, la Commission européenne, qui a une vision extrêmement minimaliste des objectifs d’enseignement. Et ça aussi, c’est un combat très important.

D’abord, la plupart des gens ignorent totalement que ces institutions – ou ignoraient jusqu’à un certain nombre d’années – qu’elles oeuvrent à impulser leurs lignes, leurs visions de l’enseignement. Il a fallu un certain nombre de lanceurs d’alerte – dont je suis, mais il y en a beaucoup d’autres dans différents pays aussi.

À partir de la fin des années 1990, nous avons été un certain nombre à montrer du doigt les travaux, les publications et maintenant des groupes comme : la Table ronde des industriels européens, l’OCDE, la Banque mondiale et plus tard la Commission européenne. Ça, c’est une chose. Et ensuite, il a fallu convaincre beaucoup plus difficilement encore – et c’est le travail que nous sommes nombreux à essayer de faire – non pas les décideurs, mais le monde syndical par exemple : les enseignants – que l’orientation impulsée par ses organisations économiques – par ce monde patronal – est une orientation profondément dangereuse et mauvaise. Mais tout le monde n’est pas à priori convaincu de cela. C’est quelque chose qu’il faut expliquer.

Leurs arguments, c’est quoi ? Nous vivons dans une période d’extrême tension sur le marché du travail. Avec des taux de chômage élevés ou en tout les cas, une difficulté pour les gens d’accéder à des emplois stables. Et ils disent : La solution c’est d’avoir une meilleure adéquation entre la formation assurée par l’enseignement et les besoins du marché du travail. Et ils disent – ça, c’est leurs thèses – Si on assure cette adéquation et bien on va pouvoir offrir à tout le monde un emploi plus stable, un emploi plus rapide, un emploi de meilleure qualité, etc. Le discours, il a l’oreille de pas mal de responsables politiques et de beaucoup de gens. Beaucoup de gens disent : Finalement ce serait bien que l’école soit adaptée aux besoins de l’économie comme ça, ma gamine ou mon gamin et ben, ils trouveront facilement un boulot.

L’OCDE dit : Tous les élèves n’embrasseront pas une carrière dans le dynamique secteur de la nouvelle économie. La plupart ne le feront pas. De sorte que les programmes scolaires ne peuvent pas être conçus comme si tous devaient aller loin. En d’autres mots, les programmes scolaires avec beaucoup de latins, de grecs, d’histoires, de géographies, etc, qui étaient jadis réservés à une élite sociale, à une minorité sociale et dont on avait cru que dans les années 1960, 1970 – avec la démocratisation de l’accès à l’enseignement secondaire – qu’ ils allaient s’ouvrir à tous…On dit aujourd’hui : Ah oui, mais maintenant que les enfants entrent en masse dans l’enseignement secondaire, ben, il faut des programmes qui soient du plus bas niveau. Il faut des programmes qui ne visent plus ces hauts niveaux de savoirs et de connaissances pour tous parce que l’on n’a pas besoin de ça.

NICO HIRTT  – www.ecoledemocratique.org