Que devient l’EXTRÊME DROITE, LE FASCISME, LE NAZISME EN BELGIQUE après la Seconde Guerre mondiale ? Et aujourd’hui ? PRÉTENDRE QU’IL FAUT LAISSER PARLER L’EXTRÊME DROITE PARCE QUE L’ON EST EN DÉMOCRATIE CE N’EST PAS ÊTRE DÉMOCRATE, C’EST ÊTRE CRÉTIN… (PARTIE 1)

Fin des années 1970, l’extrême droite était véritablement dans les cordes parce qu’il y avait encore la mémoire de la Deuxième Guerre mondiale qui était relativement proche. Elle se constituait de manière souterraine et n’était pas encore parvenue à percer électoralement. Du coup, sa stratégie consistait essentiellement à deux choses : – d’une part à une pratique d’infiltration au sein de l’appareil répressif de l’État. – Et d’autre part à ce que l’on a appelé la stratégie de la terreur de l’attention. C’est-à-dire créer un climat de terreur pour favoriser (en gros) une dérive autoritaire. Créer un climat de psychose à travers des attentats. Il y eut dans ces années-là toute une série de scandales majeurs en Belgique.

La Belgique est le talon d’Achille parce qu’effectivement c’est le siège de l’OTAN, c’est le siège des institutions européennes, etc. Et en même temps, il y a une bonne partie de l’opinion qui est radicalisée plutôt à gauche (on sort de la guerre du Vietnam) et qui est plutôt antiaméricaine. Comment créer un électrochoc qui permet de prendre une série de mesures politiques qui fassent basculer à droite ?

Dès le début des années 1980 – le Vlaams Belang – fait une percée absolument spectaculaire en Flandre avant Le Pen. La plupart des gens s’imaginent que la nouvelle percée de l’extrême droite après-guerre c’est Le Pen. Non. Le Pen c’est après. Nous avons ce privilège d’avoir connu en Belgique la première percée significative d’un parti d’extrême droite et qui va très, très, vite. On passe de 0,4 % à 15 %–20 %. Dix ans après, à la fin des années 1990 – ce n’est pas compliqué – 1 flamand sur 4 lors de certaines élections vote pour le Vlaams Belang. Un quart de l’électorat en Flandre. Et à Anvers la plus grande métropole : 1 sur 3.

En Wallonie la situation est différente. Je vais faire bref. La chance que nous avons eu nous les antifascistes francophones de Belgique c’est qu’on a toujours eu en face de nous l’extrême droite la plus bête du monde. L’expression n’est pas de moi. Nous, du côté francophone – Bruxelles et la Wallonie – on a l’extrême droite la plus bête du monde. Parce que je dirais qu’à la limite les conditions étaient encore meilleures pour percer. La crise économique se faisait ressentir partout, mais évidemment plus en Wallonie. La Flandre était déjà une région très largement prospère avec peu de chômage, etc.

En Wallonie c’était la désertification. C’était une situation comme dans le nord de la France et comme par hasard où est-ce que Le Pen va percer d’abord ? Dans le nord de la France dans un premier temps. Mais la chance que nous avions contrairement à la Flandre est que jamais cette extrême droite n’a été capable de se structurer, de s’unifier, de se doter d’un véritable appareil. D’une leader charismatique. J’ai tout à l’heure fait allusion à Marguerite Bastien (Front nouveau) qui nous a fait très peur. Parce que pour la première fois, on voyait une organisation assez structurée et avec une leader qui passait très, très bien.

Ce qui est aussi important c’est de voir comment des groupes qui étaient des toutes petites sectes, des groupuscules parviennent en quelques années à recruter des centaines puis des milliers d’adhérents…

DENIS DESBONNET