GANG DES VIEUX EN COLÈRE. Nous on est dans la rue et c’est important. VIEUX C’EST UN ÉTAT D’ESPRIT. ON A ENCORE DES JAMBES. ON A ENCORE NOTRE GRANDE GUEULE.

Nous sommes une dizaine et puis très, très vite une trentaine à être le noyau dur de base de ce mouvement qui aujourd’hui compte plus de 10 000 membres.

C’est un mouvement jeune de vieux qui est surtout très fâché contre une injustice terrible qui se prépare surtout pour les prochaines générations…

Alors on redescend dans la rue (il y a eu mai 1968) pour dire ça suffit. Dire au gouvernement, aux grandes multinationales : ça suffit ! Il y a assez de pognons dans un pays comme la Belgique. Il faut quand même qu’il y ait des gens qui puissent vieillir dignement. Femmes et hommes.

Je pense que l’on a été distrait. On ne s’est pas rendu compte que les emballages en plastiques pour poissons se retrouvaient maintenant dans leurs ventres. On ne s’est pas rendu compte que ça brûlait dans le jardin du voisin et donc que ça commençait à brûler chez nous…

Ce qui a été important en mai 1968 c’est que l’on croyait, espérait vraiment à un monde meilleur. On croyait à plus d’égalités. Un monde plus joyeux. Il y avait le Larzac…on voulait vivre libre. On ne pensait pas qu’il y allait avoir un tel retour de l’économie libérale. On croyait vraiment à un monde meilleur. Au niveau sexuel aussi ça a fondamentalement changé. On avait beaucoup d’espoir et on n’a pas regardé ce qui arrivait. On a été ramassés 20 ans après par un monstre qui démolit la sécurité sociale, qui envoie les gens [migrants] au fond de la mer, qui se moque de tout. Tout ça pour dire que l’on a une perte de valeur par rapport à mai 1968. Mais nous, le Gang, on veut remettre ça sur la table.

Il faut dire que le capitalisme a un pouvoir de récupération vraiment extraordinaire et il a un pouvoir aussi de cacher la manière dont il va récupérer ces acquis. Il faut le dire : il est très, très fort. Nous, on n’a pas su analyser ce capitalisme pour ce qu’il est réellement. C’est-à-dire une idéologie extrêmement forte et intelligente qui s’est insinuée dans nos cerveaux depuis très, très longtemps.

Je crois que l’on est pour le moment dans un point de rupture parce que quand je vois les jeunes dans la rue, quand je vois ce qu’ils disent et comment ils le disent : je suis étonné. Moi, à leur âge, je n’avais pas cette conscience. J’ai mis beaucoup plus de temps à comprendre ce qui se passe autour de moi et à analyser ce que représente ce capitalisme dur. Et eux dans la rue pour le moment, je trouve cela magnifique. Je crois que l’on est à un point de rupture. Il y a énormément d’organisations en Belgique, en France et partout [dans le monde] qui sont contre ce qu’il se passe. C’est à dire contre ce que le système nous impose. Et si on est suffisamment intelligent et tactique peut-être on peut arriver à faire bouger les choses maintenant. J’en reviens à maintenant. On peut parler de ce qui s’est passé après 1940-1945, etc., mais c’est maintenant. Et maintenant, je trouve que l’on est dans une période charnière. Je ne sais pas ce que ça va donner, mais il faut que l’on fasse chacun tout ce que l’on peut pour que ça débouche sur quelque chose de très positif avec un réel changement.

Les soins de santé sont occupés à se dégrader complètement. Quand on a le malheur d’être hospitalisé, on se rend compte que les infirmières n’en peuvent plus parce qu’elles ne sont pas assez nombreuses. Parce que tout ce qu’on leur demande c’est de faire des économies partout. On ne leur demande pas le bien-être. Dans les maisons de retraite, on leur donne deux minutes pour faire la toilette des vieux alors qu’il y a besoin d’un peu de présence…

Pourquoi il y a autant de jeunes qui sont au chômage et qui n’ont pas de travail alors que les vieux devraient travailler jusqu’à 67 ans ? Pourquoi ? L’argent, il est là. En 2018, il y aurait eu entre 34 et 40 000 000 000 milliards de fraudes fiscales, d’impôts impayés et tout ça. 34. 000 000 000 milliards. C’est énorme. Avec ça, on paye les pensions. On paye les infirmières, les enseignants. On refait une sécurité sociale qui donnerait une vie agréable, décente à tout le monde. Pourquoi n’y a-t-il pas une chasse à ces 34-40 000 000 000 milliards ? Il y a même de moins en moins de juges au palais de justice qui s’occupent des affaires fiscales. Fatalement s’il n’y a personne qui coure après, ils ne vont pas le donner. Nous, on va courir après.

L’argent : il est là puisqu’il est employé pour d’autres affectations. On voulait le vendre à des chasseurs bombardiers américains. On a renfloué les banques. On voit aussi une précarité. Ce n’est pas pour rien que les gilets jaunes descendent dans la rue et qu’ils vont jusqu’au bout parce qu’il y a une certaine décence à respecter, je pense. Et ça, c’est aussi bien pour les jeunes que pour les vieux. L’avenir, il est entre nos mains et il faut effectivement se réveiller.

C’est un combat à long terme. Un combat politique quelque part. On a bien vu que le mouvement s’agrandit. Il y a une sympathie autour du mouvement du Gang des Vieux en Colère. On ne pense pas spécialement à notre situation à nous. Dans le futur, il n’y aura peut-être plus de pension pour les jeunes. Cela devient aberrant. Des gens se sont battus, sont morts pour ça…

On a parfois l’impression de pisser dans un violon aux élections.

Je crois que la démocratie ne se résout pas aux élections à un passage dans un bureau de vote une fois tous les cinq ans. Il faut trouver autre chose. C’est pour ça que des mouvements citoyens comme les nôtres sont importants.

PAROLES DE QUELQUES VIEILLES ET VIEUX DU GANG : FRANÇOISE – ANNE – DANNY – JACOB – FREDDY – MICHEL – PAUL –