CHARGES DÉRAISONNABLES EST UN CONCEPT COMPLÈTEMENT FLOU QUE LA SECRÉTAIRE D’ÉTAT À L’ASILE ET À L’IMMIGRATION MAGGIE DE BLOCK A COMMENCÉ À APPLIQUER TRÈS SÉRIEUSEMENT EN 2012-2013…

On s’est rendu compte que depuis son application, il y avait déjà 10 000 citoyens européens qui avaient reçu un ordre de quitter le territoire comme s’ils étaient sans-papiers. Hommage [d’ailleurs] à toutes ces personnes qui vivent en Belgique et qui n’ont pas le droit d’y résider légalement parce qu’elles n’ont pas le bon papier. Et en fait, ce concept-là, il nous a intéressés.

On a élargi le concept parce que on s’est rendu-compte, qu’il allait expulser des chômeurs, faire plus de contrôles pour les gens qui sont sur la mutuelle. Il allait élargir le spectre de tous ceux qui sont ou qui peuvent devenir des charges déraisonnables . C’est de là que vient le titre.

Qu’est-ce qu’il y a sous [le mot] charges ? Décharge. Recharge. Il y a plein de choses et en même temps les premières choses qui viennent ce sont les charges sociales. Une charge c’est lourd. Charges fiscales. La famille, les personnes que l’on a à charges. La charge mentale […]. Alors-là raisonnable est magnifique. Qu’est-ce qui est raisonnable ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? C’est de la philosophie quoi ? À croire que ceux qui écrivent les directives européennes sont philosophes.

La langue est un instrument de pouvoir. Bien parler, bien maîtriser la langue…on voit bien à quel point c’est quelque chose qui donne énormément de crédit.

Le fait d’utiliser des termes flous est voulu volontaire. Cela permet justement d’exclure des personnes déjà par l’expression. Et ça, ça conditionne beaucoup l’accès ou non aux droits.

Les représentants de ce discours dominants, de cette économie libérale ont pris toute la place et c’est finalement la seule parole valable avec des petites variantes. On peut être un petit peu réformiste, progressiste. Un petit peu transgressif, mais tous les éléments de langage sont les mêmes au fur et à mesure du temps, des années, des effets de mode. Il y a des termes qui sont là, comme des armes comme [le] dit Klinkeberg (linguiste et sémioticien belge) et d’autres.

Le langage crée. Avant toute chose. Avant qu’il y ait des actions il y a quand même un discours qui justifie.

La démocratie pour nous et nos intervenants, [dans le documentaire sonore] ce serait censé quand même avoir des conflits. Avoir des conflits pour pouvoir discuter, avoir des oppositions, etc. Alors que l’on voit justement que sur des principes économiques on est enfermés dans des doctrines néolibérales. Ça, ça n’est pas discutable. Ça n’est pas discutable. Et derrière charges déraisonnables qu’est-ce qu’il y a ? Ce sont les raisons néolibérales. C’est voir le monde à travers un prisme matérialiste, financier, économique. Tout est réduit en coût, en charge et les gens aussi. C’est la négation de ce qui fait un être humain. La négation de la vie en générale. Ce sont des notions mortifères en fait. On nie l’humanité des gens en la traitant de charge.

Les extrêmes triomphent en Europe parce qu’ils arrivent à convaincre que l’on peut répondre à des questions complexes par des réponses simples.

Il y a des mots. Les mots forment des discours. Ces discours sont des récits. Ce qu’il faut voir c’est le récit derrière. Les récits derrières sont un peu toujours les mêmes et il faut les déconstruire et en proposer d’autres. Proposer d’autres imaginaires.

NICOLAS BRUWIER ET CYRIL MOSSÉ RÉALISATEURS DU DOCUMENTAIRE SONORE CHARGES DÉRAISONNABLES CI-DESSOUS –