Y A-T-IL UNE VIE SANS INTERNET ?

Cela fait partie d’une grosse manipulation…le système capitaliste est très fort. Il a plein de moyens notamment publicitaires à son service et il sévit même sur la radio publique, etc. Donc, on est ringarde, sur le côté si on n’a pas les outils de la technoscience. Moi, je rame beaucoup contre ça.

Au départ, je le sentais pas ce « truc ». L’invasion de toutes ces technologies qui a commencé à être imposée dans les milieux du boulot.

Dans les bibliothèques où j’ai travaillé – sous-prétexte, mais ce n’est pas qu’un prétexte – de facilité, on a commencé à introduire des ordinateurs. D’abord pour mettre des livres en catalogue pour qu’il n’y ait plus de fiches. Le gros prétexte, c’est la « dématérialisation ». C’est faux ! Il n’y a rien de plus matériel qu’un gros ordinateur qui en plus produit beaucoup de chaleur…Il y a aussi le prétexte de la rapidité. Je ne suis pas persuadée que la rapidité soit vraiment toujours un progrès. C’est au détriment de la réflexion, de la mise en distance, de la rencontre. On nous assomme de nouveautés sur internet.

Dans les bibliothèques, il y a maintenant un accès à internet. C’est présenté comme un accès à l’infini. Cette idée d’infini , ça donne le vertige. Tout : ça n’existe pas pour moi. Tout : c’est trop.

Je trouve ça du totalitarisme assez abominable et suis étonnée que la majorité de la population, des parents, des enseignants essayent de séduire les jeunes avec ces gadgets technologiques. Ils s’adaptent et ils ont l’impression d’être dans le coup. Dans le coup de quoi ? Je ne sais pas ?

Si, il n’y avait pas toute cette idéologie derrière ce consumérisme…cela pourrait être amusant de se perdre dans le savoir. Mais ce n’est pas ça puisqu’ il y a des firmes qui en tirent beaucoup d’argent.

Je vois comment les gens ne savent pas s’en passer. Moi, ça me désole complètement. C’est une sorte de déshumanisation. Je prends beaucoup les transports en commun. Les gens ne supportent pas une minute d’attente. Pour échanger un regard, ils préfèrent fuirent sur leur téléphone portable. Parfois, je vois ce que fait mon voisin. Il joue au « casino ». On existe que si on a des appels. Il n’y a plus d’espaces pour la rêverie, la contemplation…de temps en temps je vois de gens qui lisent ou qui regardent par la fenêtre, mais c’est minoritaire.

Pour moi, c’est dommageable. Il y a même des gens avec qui je ne suis plus bien parce que notre conversation, notre rencontre est tout le temps interrompue par autre chose. Un appel. Rechercher tout de suite la réponse alors que l’on s’en fout, la conversation peut continuer…

Quand j’ai commencé à douter, je me suis faite vraiment pratiquement insulter par mes ami.e.s. Quand j’ai commencé à résister et à douter de l’efficacité et de l’utilité réelle de ces machines. J’émettais des doutes simplement. – Où est-ce que ça nous mène ? Est-ce vraiment utile ? À quoi ça sert ? Et donc, la réponse était : « Ah ! mais tu veux revenir à la bougie. » « Tu es contre le progrès. » « Tu as un enfant, tu devras bien suivre. » « Tu ne peux pas élever ton enfant hors du monde. » J’étais une espèce de dinosaure inadaptée. Je me demandais même si on n’allait pas me faire disparaître…[elle rigole].

Si, il y a des gens qui veulent résister contre toutes ces obligations, ça m’intéresserait de prendre contact pour réfléchir ensemble. C’est une galère de le faire toute seule. Réfléchir aux modes d’action pour endiguer la machine. On peut être utopiste !

Ce n’est pas un outil convivial (référence à Yvan Illitch : la convivialité) parce que l’on est complètement sous la coupe des GAFAM mais aussi des « spécialistes ».

Il y a aussi une sorte de raccourci de la pensée et de la parole.

ANNE