QU’EST-CE QUE ÇA RACONTE LA FÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRAVAIL EN BELGIQUE ? 1 500 000 AFFILIÉS. QUAND EST-CE QUE REPRENNENT LES VRAIS COMBATS ?

La FGTB c’est le syndicat pour moi qui représente le mieux cette volonté de changement de la société. C’est-à-dire que dans notre déclaration de principes, il est clairement stipulé que nous voulons aboutir à un changement de société. Nous ne voulons pas accompagner des réformes progressives. Non. Nous voulons un changement, une rupture avec ce système capitaliste qui nuit aux travailleurs. Et pour moi, la FGTB représente le mieux le contre-pouvoir qui permet d’aboutir à ce changement. C’est très compliqué. Il y a énormément de gens à convaincre. D’où le fait que nos actions ne correspondent pas forcément aux attentes d’une partie de nos militants. Notre volonté est de pouvoir amener progressivement les conditions pour ce changement.

La FGTB, c’est : 1 500 000 affiliés de toutes Centrales confondues. Des employés. Des cadres. Des ouvriers. De plus en plus de femmes [aussi] parmi les militants.On a passé le cap des 1 500 000 d’affiliés il y a 3 ou 4 ans. Clairement, on va se dire les choses. Pourquoi la CGT en France est à quelque milliers d’adhérents et pourquoi nous sommes à 1 500 000 ? Ce qui explique ça effectivement, c’est que l’on soit un organisme de paiement du chômage. Et donc, c’est la négociation que l’on a eue en Belgique. Les travailleurs ou les travailleuses qui rentrent dans leur carrière professionnelle, qui sont au chômage, qui veulent se protéger en tous les cas qui veulent faire valoir leurs droits, passent par un syndicat et donc, par la force des choses le nombre d’affiliés est très élevé. C’est une réalité. Il faut le dire.

Souvent on dit que la FGTB est : « cul et chemise » avec le PS. Vous pouvez chercher où vous voulez, je n’ai aucun lien avec le PS. Évidemment que nous avons besoin de relais dans les Parlements. Parce que c’est au niveau des Parlements que les lois se font, s’écrivent et se changent. Nous, en tant que syndicat, on est un contre-pouvoir. Quel que soit le parti au gouvernement, nous devons rester un contre-pouvoir. Ce n’est pas parce que le PS, le PTB ou ECOLO est aux manettes (certains l’ont déjà été), que nous devons dire : « Ah ben c’est bien, nous sommes servis. » Que du contraire. Moi, je vous rappelle – pas ce gouvernement mais celui d’avant – où le PS était présent ce fut un des gouvernements contre lequel on a fait le plus de grèves. Quand ils ont exclu les chômeurs, on est monté aux barricades. Sans résultat. Et on est dans une situation qui est gravissime.

Mais nous sommes un contre-pouvoir. Nous contestons les mesures qui sont prises par des partis quand ils relayent nos positions. Quand ils le relayent, il n’y a pas de problèmes. Je suis le premier à applaudir. Quand ils sont contre nos conditions, je suis le premier à monter aux barricades avec mes camarades. On s’assied à une table avec des patrons. Oui, c’est mon boulot de négocier. Mais vous montez au 6 étages, il y a une stèle de François Janssens qui était un de nos présidents qui dit : « Négocier quand c’est possible, se battre quand il le faut. » J’en suis convaincu à titre personnel et c’est ma vision du syndicalisme.

Les syndicats en général pour l’instant n’arrivent plus à recréer ce rapport de force.

Décembre 2014, on avait vraiment la main. On avait mis le gouvernement MR-NVA-FEB (Fédration Des Entreprises Belge) à genoux avec 3 grèves provinciales, une grève nationale et 120 000 personnes dans les rues. Décembre 2014, on redonne un mandat pour nous remettre à la table des négociations et c’est là que l’on commet une erreur historique. À savoir que l’on aurait dû continuer le rapport de force. On aurait dû continuer encore plus loin et dire : «  Nous avons des positions et si vous ne les entendez pas et bien, on continue à mettre la pression. » Et ça, on ne l’a pas fait. C’est ce que l’on peut nous reprocher. Mais de dire que l’on est « cul et chemise » avec d’autres, est un procès que moi, je n’accepte pas. Regardez les faits. Je demande des éléments objectifs. Vérifiez les grèves. Nous les menons contre le PS, contre le MR, contre tous les partis qui vont contre les lignes de la FGTB.

Je dis toujours que mon seul angle d’attaque quand j’interviens sur les réseaux sociaux, quand j’interviens dans une intervieuw, est l’angle FGTB. Qu’est-ce que mon Congrès m’a donné comme résolution ? Et sur base de ça, oui je fais le tour des partis, je vais voir les patrons. Et sur base des résolutions qui ont été votées, [je vais voir également] mes affiliés et militants. Et alors, ensuite on s’entend. Si c’est bon, c’est ok. C’est de moins en moins bon malheureusement. Si c’est mauvais, il faut y aller. Et là, on doit travailler…

Vous me parliez des Gilets Jaunes, c’est ça le truc, on doit recréer des convergences parce que le rapport de force uniquement syndicale (malgré le fait que les deux gros syndicats : CSC-FGTB sont de : 3 200 000 affiliés), nous n’arrivons plus à convaincre les gens de la nécessité d’aller dans les rues et d’y aller vraiment. Pas avec le « dos de la cuiller ». Et donc, on doit recréer des convergences. Les Gilets Jaunes disent la même chose que nous finalement. Mais [eux], ils ne croient plus aux structures. Ils nous disent : « Vous êtes trop loin de nos vraies réalités. »

Les gros patrons font la loi dans ce pays [la Belgique].

Le conseil d’administration de la Fédération des Entreprises Belge, c’est une trentaine d’entreprises qui pèsent lourdement dans ce pays. Qui sont les moteurs économiques. Si on veut être efficace, ce n’est plus les grands bassins comme on le faisait dans les années 1960-70 mais c’est sur ces 30 entreprises sur lesquelles il faut mettre une pression. Quand je dis ça, ce n’est pas facile. Parce qu’il y a des travailleurs dans ces entreprises. Arrêter ces entreprises une semaine, deux semaines ou trois semaines est très lourd économiquement. Il faut s’organiser, organiser la solidarité pour défendre ça. Moi, j’ai un « appareil  » donc, je dois convaincre les structures. Mais à titre personnel, je suis convaincu que cibler ces 30 entreprises qui font tourner le pays, – oui ce sont les travailleurs qui font tourner le pays [bien entendu] – mais si on arrive à convaincre ces travailleurs et travailleuses de ne plus travailler dans ces entreprises-là, il n’y a plus rien qui tourne.

Je suis pour le Front commun. Je suis convaincu que c’est en ayant un Front commun et même élargit avec les Gilets Jaunes et d’autres…les jeunes pour le climat et compagnie que l’on va réussir.

JEAN-FRANCOIS TAMELLINI