« L’ÉVASION FISCALE C’EST UN TRUC D’UNE VIOLENCE INOUÏE. »

L’évasion fiscale n’a jamais été si importante. Ce qui est symbolique et particulièrement savoureux, c’est que la Belgique est un paradis fiscal. Même dans un paradis fiscal, il y a de l’évasion fiscale parce qu’il y a toujours moyen de trouver de l’herbe plus verte qu’ailleurs.

La richesse créée en Belgique – selon l’outil de mesure actuellement en vigueur qui est le PIB (Produit Intérieur Brut) – ce sont tous les travailleurs et les travailleuses belges, quel que soit leur statut. Salariés, indépendants – il ne faut pas oublier les indépendants – , le boulanger, le charcutier du coin, le boucher, etc. Tout ça, fait une création de 480 000 000 000 euros. Mais sur ces 480 000 000 000 euros, il y a 30 000 000 000 euros de recettes fiscales qui sont perdues parce qu’une petite minorité constituée d’entreprises ou de personnes physiques échappe à la règle à laquelle l’immense majorité des citoyens et des entreprises n’échappe pas. C’est-à-dire : payer ses impôts. Et comment elle y échappe ? Elle y échappe à travers ce qu’on appelle l’évasion fiscale. Alors évidemment le mot évasion fiscale n’est pas systématiquement utilisé puisque de plus en plus on entend parler d’« optimisation fiscale ».

Au sein de l’Union européenne, la concurrence fiscale est la règle entre les États. La concurrence est la règle ! Et donc, c’est la course aux « moins-disant ».

Tel État va dire : « Ah ben moi, je fais un impôt société qui au lieu d’être de 30 % ou 28 %, je le fais à 15 % ou à 12 %. » Et donc, ça provoque une chute des recettes fiscales puisque tous les moyens sont mis en oeuvre, tous les circuits sont mis au point – par ceux qu’il faut appeler les organisateurs de l’évasion fiscale – pour échapper aux lois dites nationales.

Le citoyen confond l’impôt avec les cotisations sociales, il en oublie même son salaire brut. Fais le test. Demande à tes connaissances : « – À combien est ton salaire brut ? – Tu veux dire le net ? – Non, ton salaire brut ? – … »

Souvent, ils ont oublié le salaire brut. Il ne pense qu’au net mais la différence entre le brut et le net c’est l’impôt sur les personnes physiques, mais il y a aussi les cotisations sociales. Les cotisations sociales c’est quoi ? C’est un salaire différé. Et ces satanés secrétariats sociaux qui calculent la paye de tous les Belges – quand tu vas sur leur site – ils mélangent cotisations sociales et impôts…

En France, il ne pouvait pas faire comme ça. Puis, il y a deux ans le gouvernement a décidé d’instaurer – ce qu’on appelle en France – le « prélèvement obligatoire ». C’était un des rares pays qui y échappait. Moi, j’étais persuadé que ça n’allait pas passer. C’est passé comme « une lettre à la poste ». Parce que le citoyen s’est dit : « Ah ben c’est quand même plus simple. » Mais non ! Il y a eu quand même beaucoup de révoltes dans l’histoire qui ont été des révoltes de l’impôt. Mais là, tu ne peux même plus faire la grève de l’impôt parce que de toute façon, on te l’a pris. Y compris par des entreprises qui ne le payent pas, elles !!! C’est quand même un comble, hein ?

Toute la sémantique est destinée à ça. Si tu parles d’« optimisation fiscale » au lieu de parler d’« évasion fiscale » c’est fabuleux. Parce que si tu optimises c’est que tu es un bon gestionnaire. Si tu n’optimises pas, t’es pas bon, tu n’es pas un bon chef de famille. Si tu t’évades : ah ça, ce n’est pas bien. Si tu optimises, tu as bien raison. Puis, finalement, tout le monde le fait.

Les puissants, les dominants, ils arrivent à faire croire au citoyen « lambda » qu’il a un intérêt lui aussi à optimiser…mais il ne peut pas optimiser…

Il y a un nombre d’experts-comptables dans ce pays qui ‘est absolument incroyable.

Tu as une infime minorité de citoyens et d’entreprises – notamment les multinationales – qui font sécession citoyennes. Ils ne font plus société avec l’immense majorité.

CHRISTIAN SAVESTRE

PHOTO : GAME-OVER-DES-ACTIVISTES-ENVAHISSENT-L-APPLE-STORE-DE-BRUXELLES-POUR-DÉNONCER-L-ÉVASION-FISCALE. 26 JANVIER 2019, 13:07. AUTEUR : Bence Damokos