LA CULTURE EST EMPÊCHÉE PARCE QUE LA CULTURE EST PUISSANTE.

On sait depuis la crise du Covid – enfin on le savait avant – que quand on est artiste il faut avoir plein de cordes à son arc parce que sinon, on est mort. Ça nous a bien prouvé ça !

On a une boule dans le ventre depuis mars [2020] et qui ne part pas en fait. C’est terrible. On se sent inutile quoi.

J’ai en tête une phrase d’une de mes amies qui m’a fait réfléchir d’une autre manière sur la question. Elle dit qu’elle fait ce métier pour être non essentiel. Qu’elle fait ce métier parce qu’elle croit en la beauté absolue de la futilité. Je trouve ça beau. Et je crois que ce qui nous manque actuellement c’est de se dire que ce non essentiel là dont on nous rabâche les oreilles en fait il est vital.

Il y a eu beaucoup de solidarité qui s’est mise en place. Mais on n’a pas idée de la débrouille, c’est sûr et je crois qu’il faut la saluer et dire à quel point, on est de tout coeur avec ces gens qui galèrent.

Est–ce que moi en tant qu’individu, je me sens « essentiel » ? Je ne sais pas. Pas forcément. Mais ce que je trouve essentiel c’est les histoires que l’on veut raconter, les discours que l’on veut faire et les thématiques que l’on aborde.

Il y a une partie de la culture qui est en train d’être tuée. Alors, évidemment il y aura toujours des résistants, des aficionados qui vont faire malgré toutes les conditions. Moi, je pense beaucoup à la fatigue nerveuse des travailleurs en fait. Avec l’incertitude, les difficultés administratives, les contrats annulés c’est toutes des choses qui peuvent entamer nerveusement les individus.

Moi, je ne veux pas voir le théâtre sur internet. Ce n’est pas possible. Je n’y crois pas du tout. J’ai envie de musiques « lives » , j’ai envie de rencontres, d’arts dans la rue. Tout ça, est ce qui fait sens pour moi. Le reste m’intéresse peu. Même le cinéma, j’ai envie d’aller dans les salles, je ne veux pas regarder des films sur mon ordinateur toute ma vie. Ça, c’est hors de question.

En fait, cette distinction ne m’a pas étonné quand elle est sortie la première fois. On a toujours eu l’impression d’être « non essentiel ». Que ce soit dit avec des mots au niveau plus juridiques ou au niveau des normes. C’est juste quelque chose qui n’est pas très surprenant. En tous les cas, dans la musique, tout le monde a compris cela depuis longtemps. C’est pourquoi ils [les musiciens] créent sans aucune aide de l’État.

Ce modèle de l’intermittence, d’une vie intermittente, financièrement il va probablement toucher de plus en plus de catégories de la population. Que l’on soit des travailleurs des arts ou pas.

On a été avec une amie jouer de vieilles reprises de Brassens et tout dans plusieurs maisons de repos. Notamment dans des endroits où c’était la première fois que les résidents se retrouvaient dans la même pièce. Et ça, c’était incroyable. Je pense que cet exemple est ultra parlant de ce que la culture peut apporter. Sans forcément avoir tout le décorum qu’il peut y avoir tout autour. Ici, c’était d’une simplicité. Mais au niveau de l’impact sur les individus c’était d’une force et d’une puissance de vie indescriptible quoi. On a vu ces personnes dans un isolement, elles étaient pour la plupart enfermées dans leurs chambres, elles n’avaient plus accès aux salles communes, etc. Et d’un coup, on voit les yeux qui s’allument. Plus de doutes pour savoir si on est essentiel. Il n’y a plus de doutes possibles. C’est tangible et les gens sont ensemble et on est ensemble avec eux. Les murs de la maison de repos s’écroulent.

Il ne faut pas oublier que la culture, c’est aussi un média pour réfléchir. Peut-être que ça arrange qu’on ne réfléchisse pas trop à la situation qui se passe.

Au-delà de considérations hygiéniques, c’est un choix politique de fermer les théâtres et d’ouvrir la rue Neuve.

BRUNE, ZOUZ, QUENTIN, CLÉMENT ET MARTIN

PHOTO : FRÉDÉRIC MOREAU – POUR LE RASSEMBLEMENT « STILL STANDING FOR CULTURE » SUR LA PLACE DE LA MONNAIE À BRUXELLES – « TOUJOURS DEBOUT POUR LA CULTURE ». 16 JANVIER 2021 –