« RAGE AU COEUR… »

TEXTE ÉCRIT [CI-DESSOUS] PAR MARIE-NOËLLE HEBRANT + RENCONTRE…

Sous les conseils de plusieurs amies, je suis allée au cinéma voir le biopic sur Simone Veil. Comme beaucoup, j’ai été surprise du nombre de ses combats. Elle s’est battue afin que les humains et humaines restent humains et humaines, pour tous ceux et celles mis·es au ban de notre société, les rejeté·es, ceux et celles dont la douleur se cogne aux parois de la surdité. À la sortie de la séance, en bas de l’escalier, j’ai été bloquée par une personne portant un t-shirt « SÉCURITÉ ». Ancré sur la marche, il ne bougeait pas. Il attendait qu’un monsieur qui faisait la manche se lève. Il ne bougerait pas, avant que ce monsieur qui était simplement assis en tailleur avec sa casquette devant lui, ne disparaisse. Sans doute pour ne pas déranger les bourgeois·es cultivé·es que nous sommes… Celles et ceux qui s’offrent une belle soirée de cinéma… La misère fait toujours mauvais genre…J’arrive à le dépasser. À cet instant, mon cerveau est rempli de questions empreintes du film, mes yeux sont pleins de larmes, mon cœur est écœuré de la cruauté, tout s’entrechoque en moi. Mon sang ne fait qu’un tour. Je cherche quelques pièces perdue dans mon sac et miracle, je mets la main dessus. Je les donne au monsieur et j’entends cette phrase sortir de la bouche du monsieur de la sécurité : « Madame, ne l’encouragez pas. » Mes larmes débordent ! Comment après le film que je viens de voir, comment accepter cette phrase ?! « Ne l’encouragez pas » ! Comment en est-on arrivé là ? Comment notre société stagne-t-elle encore à cet endroit-là ? Les dernières années que nous avons passées et celles que nous vivons sont difficiles pour chacun et chacune. Mais je ne peux m’empêcher de me demander ce que Simone Veil aurait pensé de ces crises ? Comment aurait-elle réagi hier et aujourd’hui ? Comment analyserait-elle la situation ? Quand je pense à la vitesse avec laquelle la haine s’insuffle dans nos veines, à quelle vitesse nos esprits s’embrouillent et s’accrochent si vite à la pensée unique qui justifie l’horreur pour ne pas devoir prendre en considération les écarté·es du système, ceux et celles broyé·es par l’indifférence, la solitude, la malchance, la misère… Aurait-elle accepté qu’en quelques mois nous basculions si vite dans la haine ? Je me souviens qu’en quelques mois, lors de la pandémie, on en est arrivé à se déchirer dans les familles, entre ami·es juste en parlant de vaccination. Sous le diktat de la peur, nous avons banni nos proches des théâtres, des cinémas, nous leur avons interdit de voyager, d’aller dans les restaurants, dans les bars. Certain·es étaient même d’accord de leur interdire les soins de santé. Des médecins refusaient de soigner. On a humilié des médecins émérites. On a fermé nos oreilles aux arguments de l’autre juste parce que nous étions sûr·es des nôtres alors que personne ne savait rien. Comment en sommes-nous arrivé·es là ? Comment avons-nous pu justifier l’exclusion des autres ? Bien sûr , nous avons souffert mais notre souffrance justifie-t-elle le rejet de l’autre ? Des souffrances nous attendent encore. Allons-nous recommencer à tomber si vite dans le piège de l’exclusion ? Devons-nous rester sourd à l’autre et à ce qu’il ou elle traverse parce que nos souffrances seraient plus grandes que celles des autres ? Aujourd’hui, c’est la crise énergétique qui a pris le dessus. Quelle solution ? Cette fois, nous sommes tous et toutes d’accord. La réalité est la même pour tous et toutes, nous voyons la même chose : la dictature d’un système qui nous écrase. Après des mois de revendications, le personnel soignant crève toujours, fatigué, usé, donnant plus pour encore moins. De même que les enseignant·es, les agriculteur·ices, les assistant·es sociaux, les logopèdes, les boulangères, les boulangers et j’en passe ! Tous ceux et celles qui font que les humain·es peuvent garder ce nom. « Madame , ne l’encouragez pas…» mais bien sûr, que je vais l’encourager ! Mais bien sûr que je vais nous encourager à l’entraide ! Bien sûr que je vais me battre pour les autres, car les autres c’est moi ! Et que si personne n’est reconnu à sa juste valeur, alors que représente la vie ? « J ‘ai trouvé des pièces par miracle dans mon sac ». Toute la journée, j’avais cherché un bancontact. Est-ce que maintenant les personnes sans revenu vont devoir avoir un terminal bancontact sur eux et elles ? Comment vais-je donner des sous aux personnes sans chez-soi ? Au feu rouge, je leur donne quoi ? Je fais un virement ? Pourquoi est-ce que tout ce que je fais doit être dans des banques de données ? Des banques de données mais ne rien donner ! Aujourd’hui, je vais puiser ma force chez les personnes militantes qui sont les garant·es d’une démocratie digne de ce nom. Il faut croiser nos luttes et ne pas défendre que ses propres intérêts. Il faut que le personnel soignant, les agriculteur·ices, les enseignant·es, les travailleur·euses sociaux, les logopèdes, les décharné·es, les inondé·es, les gens seul·es, les personnes âgées, les fragilisé·es, les incompris·es, les sans-papiers, les travailleur·euses du sexe, les puériculteur·ices, les boulangers, les boulangères, les bouchères, les bouchers, les journalistes soient entendu·es ! JE VOUS ENCOURAGE TOUS ET TOUTES ! Je vous encourage à rester des êtres humains. Paradoxalement, j’écris ces mots sur ce réseau mais si vous désirez discuter le propos de ce post, je vous en prie, allons boire un verre mais ne nous rencontrons pas sur la toile. J’ai besoin du vivant. Merci monsieur de la sécurité pour cette prise de conscience que vous m’avez offerte.

MARIE-NOËLLE HEBRANT

PHOTO : GARRY KNIGHT