UN DÉBATORIUM CONTRE LA PAUVRETÉ AVEC LES SIX PARTIS POLITIQUES. (PARTIE 1)

Je voudrais vous donner mon témoignage en tant que médecin. J’ai travaillé avec Médecins Sans Frontières à l’étranger et puis en Belgique. Médecins Sans Frontières c’est l’accès aux soins. En Belgique, on essayait de remettre les gens en ordre avec leurs droits, mais on les soignait de toute façon. On s’arrangeait pour qu’ils aient des médicaments, pour qu’ils aient accès aux soins et ça s’arrêtait là. Et pour moi, c’était logique.

Quand les gens disaient : « oui, mais je suis aussi à la rue », on répondait : « ah oui, mais ça, ce n’est pas nous ». Et moi, je pensais, bin oui le logement c’est un truc social, ça n’a rien à voir avec la santé, rien à voir avec la médecine.

Et puis j’ai commencé à travailler avec Infirmiers de Rue et là, on ne reçoit plus simplement les gens dans un cabinet de consultation, mais on les suit dans la rue. Et quand on ne les retrouve plus, on va les chercher. On va voir où ils sont. Au début on faisait aussi [uniquement] de l’accès aux soins et une fois que les gens avaient eu accès aux soins, ils allaient chez le généraliste. Ils avaient des médicaments, etc., et on disait : « bin voilà, notre tâche est terminée en tant qu’Infirmiers de Rue ».

Et puis assez vite, au bout d’un an, un an et demi, on s’est rendu compte qu’il y avait des patients jeunes qui mouraient quand même dans la rue alors qu’ils avaient accès aux soins et en faisaient usages. On s’est rendu compte que la rue tue. La rue tue en tant que telle. Pour toutes sortes de raisons. Parfois c’est une raison. Parfois, c’est l’autre. Parfois, on ne sait pas exactement. Mais la rue tue. On meurt en rue parce qu’on vit en rue. On meurt beaucoup plus tôt aussi. On perd en moyenne 30 ans d’espérance de vie quand on vit en rue. Voilà, ça, c’était le premier déclic. Le déclic de notre association.

À partir de ce moment, on a commencé à consacrer aussi des efforts pour remettre les gens en logements et les accompagner. Mais moi, je n’avais toujours pas compris. Il m’a fallu plusieurs années après que l’on ait commencé à mettre les gens en logements pour me rendre compte à quel point le logement est un traitement. Et pour moi maintenant le logement fait partie – et c’est une grande partie – du traitement. Parce qu’en fait, en rue, on ne peut rien soigner. On ne peut pas soigner une addiction. On ne peut pas soigner un ulcère, on peut le soigner mais on ne peut pas le traiter. Vous ne pouvez pas vous débarrasser d’une addiction tant que vous êtes en rue. Ce n’est pas possible. On ne peut pas soigner du diabète insulinodépendant en rue. C’est dangereux même ! On ne peut pas soigner de l’hypertension alors qu’une fois en logements, on a l’intimité, on a la sécurité. On peut manger, on peut faire des réserves de nourriture. On peut se reposer. On peut ne rien faire. On peut se distraire. On peut accueillir des gens, avoir des amis enfin tout redevient possible. Et au niveau de la santé, ça change tout.

Pour moi, il a fallu quand même des années avant que je comprenne ce lien qui maintenant me parait évident, mais qui peut-être pour certains médicaux ne l’est pas encore tout à fait. C’est-à-dire le lien entre le logement et la santé, la santé mentale et la santé physique…

ORGANISATION : RÉSEAU WALLON DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

ENREGISTREMENT SONORE : /https://revers.be/

POUR VOIR ICI :https://www.facebook.com/Reseauwallondeluttecontrelapauvrete/videos/423770666928870

PHOTO : RWLP – DÉBATORIUM 2024