VIRGINIES DESPENTES fait partie maintenant des membres de l’Académie Goncourt (en France). Elle a fait une halte à Bruxelles pour le lancement de la deuxième édition du CHOIX GONCOURT DE LA BELGIQUE, un prix décerné par des dizaines d’étudiants issus de dix universités francophones et néerlandophones belges. MOI, CE QUI M’INTÉRESSE, C’EST QUE L’ON EST DIX. MA VOIX COMPTE COMME CELLES DES AUTRES ET JE PENSE QUE JE PEUX PARFOIS FAIRE RENTRER DES TEXTES QUI NE SERAIENT PEUT-ÊTRE PAS RENTRÉS PARCE QU’ILS N’AURAIENT PAS ÉTÉ LUS OU DÉFENDUS. JE PEUX INFLUER.

Là, je viens d’arriver…Mais essayer effectivement de faire rentrer des textes qui ne seraient pas rentrés aussi facilement…Un exemple très précis : un jour réussir à faire rentrer un roman policier-polar ou de science-fiction et recevoir le prix Goncourt. Ce qui n’est encore jamais arrivé…Je pense que je ne suis pas la seule à penser que la littérature de ce genre peut rentrer dans le Goncourt.

De là, vient toute une tradition, de laquelle, je crois réellement, on est sorti. C’est-à-dire, des auteurs qui donnaient leurs voix à leurs éditeurs – Je signe un roman et mon éditeur me donne de l’argent – Je crois pendant longtemps, les prix ont été un peu tenus par des éditeurs qui donnaient de très gros avaloirs à leurs auteurs qui étaient dans les jurys pour avoir leurs voix à chaque fois pour leurs maisons d’édition et ce qui explique qu’il y a une quarantaine d’années où effectivement, il y a trois éditeurs qui se partagent les prix littéraires. On ne peut pas expliquer cela, uniquement par la qualité de leur production littéraire. J’ai la sensation que ça fait un bout de temps que tous les jurys (et notamment le Goncourt) essayent de sortir de ça. Et j’ai l’impression – peut-être ingénue – mais je crois que l’on est dans autre chose.

C’est exactement comme l’audace, ce n’est pas obligatoire. Je pense qu’un texte peut ne pas avoir de message citoyen et retenir l’intérêt d’un jury à juste titre, avec sincérité…

J’ai une idée très bête. Je pense que l’on sait sincèrement quand on a pris du plaisir à lire un livre et on sait quand un livre nous a modifié, nous a apporté, nous a légèrement dévié ou complètement retourné. On le sait. Donc, je pense qu’en essayant d’être le plus sincère (peut-être que j’ai tort) mais pas en essayant de projeter trop de choses sur ce que cela devrait être…Parce que si un texte te laisse exactement tel qu’il t’a trouvé en arrivant, c’est que quelque chose ne s’est pas passé même s’il est très, très bien écrit. On sait, quel est le texte qui nous a vraiment rencontré. Donc, il n’est pas audacieux, tant pis. Si le message n’est pas très nouveau. Tant pis.

Le Goncourt (par exemple), il est acheté (je pense) par des gens qui vont lire deux livres sur l’année. Si, ces livres peuvent changer légèrement (au moins légèrement) la façon qu’ils ont de voir les choses. C’est important. C’est très important.

La littérature est un exercice d’empathie incroyable. De télépathie incroyable. On peut se projeter dans le texte de quelqu’un qui ne nous ressemble pas du tout, qui ne vit pas la même époque, pas dans le même pays. Qui dit des choses, avec lesquelles, on n’est même pas d’accord. Il n’empêche que vous serez toujours un décodeur subjectif. Vous ne pouvez avoir une autre vision que la vôtre.

C’est quand même surprenant que je rejoigne l’Académie Goncourt. Non, ce n’était pas une évidence. Mais parce que c’est vrai que le Goncourt en France, c’est une sorte de – je ne sais même pas comment qualifier cela, parce que c’est au-delà du prix littéraire – c’est presque un fantasme collectif. Donc, ouais, quand on m’a proposé d’en faire partie, ce qui m’a décidé à le faire…J’ai fait partie du CNC (Centre National du Cinéma et de l’image animée) pendant trois ans et j’ai découvert au CNC que j’aimais beaucoup lire. Énormément. Je lis beaucoup de toute façon, mais le fait d’organiser toutes mes journées pour avoir un petit temps pour la lecture me plaisait. Cela me plaisait  aussi beaucoup de parler avec d’autres gens de ce que l’on avait lu. Parce que, j’ai découvert que c’est sincère. On est vraiment pas d’accord. On n’est pas du tout les mêmes décodeurs des textes. Cela m’a vraiment intéressé de découvrir la façon que les autres avaient de voir des textes…

VIRGINIE DESPENTES – RENCONTRE ORGANISÉE À PASSA PORTA –