Résistance au stand de BAHAR KIMYONGÜR (à la foire du livre de Bruxelles pour son livre Fehriye Erdal, tête de Turque) car sa tête (mais pas que la sienne) nous est très chère et n’a pas de prix + PAROLE AUX GENS autour + Les éditions NOWFUTURE.

J’étais déjà fort actif à la question turque et sur la question des droits et des libertés en Turquie. Connaissant un peu le sort réservé aux opposants, je me suis positionné dans ce dossier et j’ai proposé aux autorités – en même temps que d’autres exilés turco-kurdes vivant en Belgique – d’offrir le gîte à cette femme et donc, d’accueillir son assignation à résidence dans le bureau d’information où je faisais de l’activisme humanitaire.

Cette femme m’a côtoyé. On a cohabité près de 2000 jours. Fehriye Erdal, je la connais de par ces années-là. On a grandi littéralement ensemble. On a passé quand même énormément de temps ensemble. Je pose un autre regard sur elle que celui qui est véhiculé par les médias et par les autorités turques depuis des années déjà. Fehriye Erdal a été condamnée par le tribunal correctionnel de Bruges l’an dernier (2017) à 15 ans de prison pour sa participation à l’attentat d’Istanbul. Et, c’est suite à cette condamnation que j’ai décidé de sortir du bois et d’écrire ce livre. Je connais sa valeur humaine. Je l’ai côtoyé. J’avoue ne pas connaître le dossier judiciaire. Je n’ai pas pris connaissance du détail de ce qui lui est reproché. Mais en même temps, je crois que Fehriye Erdal n’a pas eu l’occasion de se défendre vu qu’elle est cachée, vu qu’elle est en clandestinité.

En 2006, après 5 années d’assignation à résidence, après le tribunal correctionnel de Bruges qui l’a condamné à 2 ans de prison parce qu’elle portait de faux papiers (situation explicable puisqu’elle était recherchée par les escadrons de la mort turcs en Belgique) et qu’elle risquait toujours cette extradition vers la Turquie. Donc, c’est en vertu de cela qu’elle a été poursuivie en Belgique. Depuis 2006 jusqu’en 2018, ça fait 12 ans qu’elle a disparu. Elle vit dans la clandestinité depuis 1996. Cette femme est en prison depuis 22 ans en fait. C’est une prison qui a évolué parce qu’elle a vécu de 1996 à 1999, je ne sais où. Tout ce que l’on sait, c’est qu’on l’a découverte à Knokke en 1999. On ne savait pas depuis combien de temps, elle vivait en Belgique (?)…

C’est la raison pour laquelle, j’ai voulu lui donner vie à travers ce livre. J’ai voulu la faire connaître et surtout déconstruire toute cette image monstrueuse qu’on lui colle. Parce qu’elle est accusée de tous les noms. C’est la femme turque la plus recherchée par le régime d’Erdogan aujourd’hui. Voilà pourquoi, j’ai écrit ce livre. Pour déconstruire cette image, cette diabolisation et alors pour faire connaître aussi le combat de tous ces militants et ils sont des milliers à être criminalisés, diabolisés. J’ai posé un acte de désobéissance civile par rapport au régime d’Ankara qui ne veut pas, qui n’autorise aucune pensée dissidente. Que ce soit dans le dossier d’Afrine (l’invasion de nord de la Syrie où vivent des Kurdes qui se sont battus contre Daesh) à un autre dossier comme celui de Sabanci (homme d’affaires turc qui a été tué) et bien le régime Erdogan ne veut pas que l’on pense mal…

Vous écrivez un tweet critiquant la politique étrangère d’Erdogan, vous vous retrouvez en prison, quel que soit votre âge. Vous faites de la musique pop ou vous appartenez à un groupe militant comme le groupe musical : Youroum. Et bien, on met votre tête à prix. C’est effectivement le cas. Ils ont produit 31 albums, 300 procès ont été intentés contre ces musiciens. Ils se sont retrouvés comme moi, à être taxés de terroristes. Leur tête a été mise à prix et donc, ils sont recherchés par les Turcs du régime d’Erdogan. Mon livre, c’est aussi pour parler de toute cette dissidence. De tous ces profs. De tous ces journalistes. Ces avocats. Ces musiciens qui se battent pour une Turquie libre. Pour une Turquie démocratique. Pour une Turquie plurielle. Pour une Turquie laïque. Je fais partie de cette famille politique là. C’est-à-dire de ces milliers de citoyens qui ont d’une manière ou d’une autre posé un acte de désobéissance. Mon livre est un acte de désobéissance.

Ma tête vient d’être mise à prix par le régime d’Erdogan depuis deux semaines. Il n’y a pas eu une seule réaction du gouvernement (belge). Vous avez un citoyen belge qui est menacé de mort en Belgique par un régime, mais il n’y a aucune volonté de demander des comptes. Alors, c’est qu’il y a collusion, il y a collaboration. Il y a une volonté de satisfaire les expériences du régime d’Erdogan. C’est vraiment triste parce que l’on voit finalement que la démocratie est un principe à géométrie variable. Il n’y a pas si longtemps Erdogan est venu inaugurer : Europalia. Un évènement culturel mettant à l’honneur la très respectable culture turque. Mais l’invité de choix était Erdogan. Et à cette occasion, le Premier ministre Charles Michel a décoré le dictateur Erdogan du prix de l’Ordre de Léopold. Cela montre bien que l’on ne compte pas. Que notre vie ne vaut pas un clou aux yeux des élites. Que ces élites soient européennes ou turques. Moi, j’en appelle à la solidarité entre citoyens. Entre petites gens. Entre le menu peuple de Belgique et le menu peuple de Turquie. Et que c’est de là que viendra l’espoir démocratique et c’est ainsi que nous pourrons mettre un terme à la dictature en Turquie. Solidarité inter-citoyenne. J’y crois vraiment.

BAHAR KIMYONGÜR – FEHRIYE ERDAL – TETE DE TURQUE – 2000 JOURS CACHEE A BRUXELLES. UNE AFFAIRE D’ETAT – EDITIONS : NOWFUTUR.