QU’EST-CE QUE « GÉNÉRATION CLIMAT »  VERSION BELGIQUE ET TOUTES CES MARCHES POUR OU CONTRE LE CLIMAT, MENÉES PAR CES BANDES DE JEUNES GENS ?

Aujourd’hui, il n’y a pas de partis en [Belgique] pour la décroissance. Je pense que c’est aussi dans une logique électoraliste. Si on veut se faire élire, si on veut arriver au pouvoir, il ne faut pas dire aux gens que l’on va démanteler la société actuelle et réduire le confort de vie. Changer de modèle…[et tout ça].

Quand les grèves pour le climat ont commencé en Belgique, c’était en janvier 2019, j’étais hyper enthousiaste au début. Je me disais : « Tiens, un millier de jeunes qui sont dans la rue. C’est un truc de fou. C’est trop bien. »

Donc, j’ai commencé à marcher avec eux tous les jeudis pendant 13 semaines, je crois. Quand je marchais avec ce mouvement, j’ai rencontré des gens avec qui on s’est dit qu’on avait envie de créer un mouvement, un collectif qui va essayer de porter un discours plus radical. [Avec] Plus de politique que le mouvement : Youth For Climat qui est à l’initiative des grèves pour le climat.

Nous, on trouvait qu’ils avaient un discours beaucoup trop lisse, trop consensuel. Il disait juste : « Il faut que les gouvernements agissent. Ce n’est pas à nous de dire ce qu’ils doivent faire. C’est aux experts. Donc, nous on marche pour mettre la pression. C’est tout. »

Dans cette optique j’ai créé : Génération Climat avec quelques copains pour porter un discours plus radical. Nos 4 valeurs fondamentales : la décroissance, la justice sociale, l’anticapitalisme et la démocratie directe. Le mouvement existe toujours. [Mais moi, je n’y suis plus…]

Les jeunes, ils ont capté qu’il n’y avait rien qui bougeait juste avec les marches et du coup, il y a [eu] des aspirations à faire d’autres choses plus offensives.

Je pense que le fond du problème des « grèves pour le climat » c’est que beaucoup de jeunes ne viennent pas des catégories de la population qui sont exploitées, défavorisées, soumises à ce système. Ce sont des catégories de la population qui profitent plus de ce système qu’elles ne le subissent. Le profil sociologique des participants à ces marches, à ces mobilisations n’est pas enclin à faire des actions plus radicales d’une manière rapide. Il s’identifie beaucoup trop aux institutions actuelles. À l’État, aux entreprises et tout ça…que pour le remettre en question profondément.

On est dans l’anthropocentrisme constant. C’est toujours les Occidentaux [qui] angoissent parce qu’il va y avoir plein de réfugiés qui vont arriver. Les Occidentaux qui angoissent pour la montée des eaux. Les Occidentaux qui angoissent parce qu’il n’y aura plus d’eau potable. Ces réalités-là, qu’on angoisse maintenant, ici dans notre région du monde, elles ont déjà une réalité pour énormément de gens dans le monde qui subissent les conséquences d’un système économique à bout de souffle qui est le capitalisme. C’est une vision hyper ethnocentrée et anthropocentrée. Le capitalisme ici, il est à son apogée. On a tout. On ne manque presque de rien.

C’est ça, les inégalités d’un pays à l’autre. On vit complètement différemment parce que l’on n’est pas soumis aux mêmes règles, aux mêmes avantages et privilèges.

Les Gilet Jaunes montrent qu’ici aussi, il y a des gros problèmes d’inégalités mais aussi un problème de dépossession de notre pouvoir de vivre. De décider aussi collectivement ce que l’on veut comme société. Merde !

Et je pense que si le « mouvement climat » n’est pas enclin à se battre tels les Gilets Jaunes ou tels les Indigènes au fond de l’Amazonie ou les populations opprimées du Chili, c’est juste parce qu’il s’identifie trop aux institutions, aux médias, à l’État, aux entreprises. Il faut se sentir touché de plein fouet par les conséquences de ce système.

Le système ne tient que par une répression soutenue des mouvements sociaux et il suffirait que de plus en plus de gens sortent dans la rue et s’attaquent aux vrais problèmes et aux vraies cibles pour faire tout tomber.

Je ne pense pas que les gens soient idiots. Mais on les prend pour des cons quand on leur dit : « On va changer la vie pour vous. Tout va aller mieux, etc. » Les gens ne sont pas dupes. On voit les Gilets Jaunes qui sont dans les rues massivement. Ils ont compris que ce système était pourri et qu’il fallait tout changer. Quand on dit aux gens que l’on va réduire les inégalités, que l’on va sauver la planète avec deux, trois ajustements fiscaux…c’est n’importe quoi. Ce n’est pas une assemblée de citoyens qui va changer la démocratie. Ce n’est pas une taxe sur les carburants qui va sauver la planète. Et ça, les gens le comprennent.

PIERO AMAND