UNE DIZAINE DE PERSONNES DISCUTENT APRÈS AVOIR REGARDÉ LE FILM : LA BATAILLE DE L’EAU NOIRE. UNE LUTTE TRÈS INSPIRANTE PAR LES TEMPS QUI COURENT. (PARTIE 1)

Ce que tu as bien montré dans ton film, c’est le fait que des gens très déterminés qui avaient la rage en eux – potentiellement violents ou pas car saboter n’est pas forcément fait avec violence – ils étaient alliés avec d’autres gens beaucoup plus pacifiques dans leur lutte et tous ces gens ce sont soutenus entre eux. Et ça, je trouve que c’est essentiel. Parce que les uns tout seul d’un côté ou les autres de l’autre côté, ça ne donne rien. Il faut que les gens s’entraident même s’ils ne sont pas d’accord sur les moyens. La diversité des tactiques on peut appeler ça.

Moi, ce que m’a appris le film c’est la complémentarité entre des intellos et d’autres qui n’ont pas peur de castagner. La bêtise de l’idéologie non violente est de dire : « S’il y a un mec violent ou un boxeur dans le groupe, il [doit] s’en aller loin parce que la violence ‘ c’est pas bien ‘. » Quand on est intelligent, on garde les gens comme ça dans le groupe, mais sous notre contrôle. Pas parce que vous êtes le « chef » mais parce qu’il y a de la confiance. Vous êtes un groupe, vous prenez des risques ensemble…Si tu lui dis : « Non, non ne lui défonce pas la tête, ça va nous desservir. » Ben, le mec, il ne le fera pas. Mais en attendant,  « ils » savent qu’il y a un mec qui peut te défoncer la tête. Il y a toujours un mec qui peut te défoncer la tête et qui te défend. Si le directeur de La Maison de la Paix [où se déroule l’évènement] se fait frapper, qu’est-ce qu’il va faire ? Il appelle la police. Ce sont des gens avec des guns et qui savent tirer. [Pour le moment] je fais [de la recherche] sur les histoires des luttes de 1960 à 1961, les grévistes se font butter par des gendarmes comme des lapins. Moi, je n’oublie jamais ça.

Ce que je questionne aujourd’hui – c’est peut-être un point de vue trop urbain et citadin mais j’ai l’impression que ça a été tellement défait par le capitalisme – l’hyper individualisme. On voit que ça existe encore heureusement. Il y a encore des luttes. Il y a encore des solidarités. Mais la ruralité est hyper mise à mal. Puis, les réseaux sociaux n’aident pas. La nouvelle génération c’est une catastrophe. Je travaille dans le milieu éducatif scolaire. Des fois, ça fout vraiment les boules. On est tous dans des bulles et elles se renforcent méchamment.

L’ennemi en face, il apprend des luttes en permanences. Il peut être débordé et personne ne peut dire comment les choses se passeront au final mais en attendant il est puissant. Plus puissant que jamais en matière de fichages, de surveillances, de contrôles et également de répressions. On est en train de vivre une époque – j’ai envie de dire – sans précédent. Ça me fait très peur car j’ai l’impression que les solidarités ont été hyper affaiblies et de l’autre les moyens répressifs et de contrôles, eux, sont plus performants et puissants que jamais.

Il faut arrêter de penser « nos luttes » comme étant uniques ou suprémacistes et du coup de vraiment prendre du temps pour se dire : « Mais en fait, plutôt que de prendre du temps à essayer de converger avec mes potes qui sont dans des luttes d’écologie radicale…on va faire du sabotage et blablabla… peut-être ça vaudrait la peine de [rejoindre] soutenir les sans-papiers… » On se dit qu’on est d’accord mais on n’arrive pas à le faire. Parce que nous avons nos urgences…des opportunités d’actions de trucs de machins…C’est un vrai point ça !

L’angle mort de nos luttes, ce sont les milieux populaires. Même à la ville.

Vous avez vu la Trêve ? La série belge qui a marché. Quand un truc belge francophone marche, tout le monde dit que c’est bien. C’est un policier bruxellois et sa fille qui vont dans une petite ville de province dans les Ardennes et c’est eux qui apportent les lumières de la ville. Tous les Ardennais sont des « ploucs ». Mais tous ! Pas un pour acheter l’autre. Ce sont des arriérés. Des dégénérés. Fais un film comme ça où tu représentes des : homosexuels ou des femmes ou des Marocains comme ils représentent les Ardennais, et je te jure, tu es pendu sur la place publique. Mais les  « ploucs » de la province, on peut y aller à fond.

Il y a eu plein de réactions dans les milieux cultivés de gauche. Ces gens [les Gilets Jaunes] ne sont même pas végétariens. Ils ne savent même pas ce que c’est du : tofu. Tu vois l’idéologie des urbains. La condescendance. Les villes c’est le sommet. C’est là où il y a les réalisateurs, les intellectuels,… Il y a Bruxelles, mais il y a mieux, il y a Berlin, New York (ça, c’est le summum), Pékin (peut-être, je ne sais pas)… En dessous, ce sont des « ploucs ». C’est rien. Zéro. C’est arriéré.

LA PAROLE D’UNE DIZAINE DE PERSONNES APRÈS LE DOCUMENTAIRE : LA BATAILLE DE L’EAU NOIRE EN PRÉSENCE DU RÉALISATEUR