« ON VEUT QUE CETTE ALIMENTATION SOIT BIO, MAIS SOLIDAIRE POUR TOUS. »

Le lien avec le consommateur s’est perdu au fil des années. On a de moins en moins d’agriculteurs dans les villages. On se rend compte aussi que de plus en plus les agriculteurs sortent des villages et ils vont construire un peu à l’écart parce qu’il y a des nuisances dues à l’élevage. Les bovins, ça fait du bruit., etc. Il y a vraiment une perte de lien que l’on déplore à Nature & Progrès et auquel on veut remédier.

Notre label compte une soixantaine même maintenant une septantaine de producteurs et de transformateurs bio qui sont en circuit court et en contact direct avec les consommateurs et avec qui, il y a moyen d’échanger sur le mode de production.

Dans nos grandes surfaces, il y a beaucoup de choses qui viennent de loin et donc, on ne sait plus comment c’est produit et on a perdu la main. On a perdu en autonomie.

Je vois que les choses bougent. Je vois qu’il y a un élan pour le bio, pour le circuit court, pour retrouver des liens avec les producteurs. Il y a beaucoup de personnes qui se posent des questions.

Avec le Réseau-RADIS que l’on est occupé à mettre en place, on se concentre sur les acteurs certifiés bio pour une raison vraiment importante, c’est que l’on aimerait bien encourager les producteurs à transformer leurs productions.

À Nature et Progrès c’est la première fois où l’on concrétise.

Je pense que chacun dans son coin pense à des solutions. Mais le fait d’être ensemble avec des confrères, des consoeurs, des citoyens, des voisins qui sont là et qu’on échange tous « mais enfin pourquoi pas, mais enfin pourquoi pas, mais enfin pourquoi pas » , que ça finit par pousser des acteurs à l’action. Parce qu’ils se sentent soutenus. Parce qu’ils ne sont pas tout seuls. Quand on est tout seul dans sa routine, on y pense un soir et après on retourne dans sa routine et puis on oublie.

On veut que cette alimentation soit bio mais solidaire pour tous.

Oui, c’est une question difficile et qui fait peur aux producteurs. Je l’ai remarqué. J’ai déjà rassemblé une ou deux fois les producteurs…ils veulent développer une filière céréale planifiable. Ok, on va faire ça ensemble. On va trouver un moulin. On va essayer de faire quelque chose. Et c’est vrai que quand je leur parlais de « solidaire, personnes en difficultés » je sentais un petit froid. Parce que le producteur, il assimile ça à : « Ouille, ouille, elle va me demander de vendre mes produits pour rien. » Parce que les gens n’ont pas de sous et ils ne s’en sortent déjà pas comme ça.

Il faut éviter de tomber dans ce piège évidemment. C’est reporter le problème. Les producteurs ont déjà beaucoup de mal aujourd’hui, on le sait. Il y en a beaucoup qui ont du mal à boucler les fins du mois et donc, ce n’est pas sur la production que ça doit retomber.

Il y a déjà quelques idées. Je me suis un peu documentée pour savoir ce qu’il se fait ailleurs. On n’est pas les premiers à se poser ces questions. J’ai déjà énuméré une série de pistes. On va les mettre en communs. On va initier des groupes de discussion à partir de janvier 2021 et spécifiquement sur ce groupe « solidaire ». On va rassembler toutes les idées. Puis, on va les éprouver. Qu’est-ce qui est possible sur nos territoires ? Qu’est-ce que l’on peut faire, etc. ?

Une des conditions de réussite de ce volet, c’est de travailler avec tout le monde. On a contacté les CPAS. Ils sont au premier front eux aussi pour l’aide alimentaire. On va travailler aussi avec tout un tissu associatif qui travaille avec ces personnes en contact journalier.

Moi, des solutions qui me plaisent bien c’est l’autocueillette chez les maraîchers. Les maraîchers sur des petites surfaces, ils ont énormément de boulot. Il faut semer, il faut planter, désherber. Puis, il faut récolter puis vendre sa production. On peut tout à fait et il y en a qui le font mais j’entends aussi qu’il y a des craintes. Il y a des échanges d’expériences à faire là-dessus.

Les gens viennent avec leurs petits paniers cueillir leurs légumes…On pèse et ils payent évidemment un prix inférieur à celui qu’ils auraient eu si le maraîcher avait dû lui-même procéder aux récoltes.

Il y a des Groupes d’Achats Communs (GAC). C’est devenu un petit peu « bobo » , mais au fait, au départ ce sont des citoyens qui se mettent ensemble pour acheter collectivement un certain volume de denrées alimentaires pour avoir un prix. C’était une manière d’économiser. Donc, il y a des possibilités là aussi.

La meilleure nourriture c’est celle que l’on produit soi-même. Pour moi, il y a vraiment des choses à faire au niveau du jardinage, des jardins partagés et des vergers collectifs. On a des terres communales qui sont là. Il suffit de planter quelques arbres. Un arbre fruitier, ce n’est pas très cher. Il faut un petit temps avant qu’il produise, mais après on a des quantités de pommes, de poires, de prunes…Il y a vraiment des choses à faire collectives.

Tous les signaux vont vers ce besoin de se réapproprier l’alimentation au niveau individuel, au niveau collectif, au niveau des territoires.

SYLVIE LA SPINA

PHOTO : CONTENU D’UN SAC DE LÉGUMES (« petite part ») LIVRÉ LE 20 FÉVRIER 2020 PAR LA COOPÉRATIVE DES JARDINS DE COCAGNE DE GENÈVE. AGRICULTURE BIOLOGIQUE ET DE PROXIMITÉ. AUTEUR : MHM55