TENTER DE VIVRE POÉTIQUEMENT DANS CETTE VIE ULTRA NORMÉE.

Les petits papiers ont envahi le monde. Comme il y avait trop de choses à penser, pour tout contrôler, on a délégué le travail aux petits papiers. Mais les petits papiers s’en foutent. Ils ne souffrent pas, ils ne rient pas. Ils sont sans émotions en fait. Ils sont vides les petits papiers. Ils sont vides. Et on aura beau les remplir de noires écritures, ils seront toujours vides. Des lettres d’amour délivrées et amères (des factures). Des livres de comptes, pour bien savoir ce qui est à nous. De grandes cartes, des frontières pour bien comprendre à qui nous appartenons. Des PV, des preuves judiciaires jusqu’à ce que l’on ne puisse plus dire non. On passe pour des cons. Les petits papiers ont envahi le monde. En vagues assassines, ils déciment les commerces, la jeunesse et la vieillesse. D’un bout de post-it jaune, on tient l’essentiel en laisse. Il faut tout retenir, tout écrire au bic indélébile que l’on en vienne à oublier que le crayon est éphémère. Que l’on en vienne à célébrer Créon et ses créances et à marquer au rouge le carnet des doléances. C’est la faute à pas de chance. La terre tourne terne en roue libre. En vie la belle, la boue, l’équilibre ressemble à la fin du rouleau de PQ. Les petits papiers ont envahi le monde. Pour ne plus écrire au crayon, l’immonde monde se maquille, se déguise, tout se normalise. La mort même devient une sorte de bêtise. À force de l’écrire, on en a presque oublié le goût et le récit de cette mort à étouffer la vie. Pendant ce temps-là, les politiques font des pâtés de sable et du commerce de coquillages. Mais ça on s’en fout, c’est à la plage. D’ores et déjà, la solution ne viendra pas d’eux. Six-mille-trois-cents navires au fond des océans, mais ça ne les concerne pas. Il y a ce fichu virus, qui emmerde tout le monde. Un clou dans le mille pour la sauvegarde des carcans et pour une modernisation contrôlée. Enfin, le bien, le beau, l’aléatoire est mis à mal pour un temps. Nous, formes organiques devons continuer ou recommencer à croire en la beauté du présent. Car il n’est qu’un temps. Les petits papiers, ce n’est pas sérieux, ont envahi le monde. Création incontrôlable, ils ont tout du monstre de Frankenstein. En bien pire seulement, car nombreux sont ceux qui les aiment sans se douter qu’il n’y ait rien en retour. Apparemment l’insensibilité de la paperasse vaut le détour. Voilà, c’est le petit coup de gueule du jour. Bonne vie, bonnes contradictions et surtout bons amours.

ISAAC LE BIANNIC

PHOTO : AUTEUR ISAAC LE BIANNIC – CIBLE DANS LA GRANGE POUR ARC À FLÈCHES – 2020-2021 –