LA DISPARITION DES GUICHETS, DES HUMAINS… C’EST ENCORE PLUS COMPLIQUÉ QUAND TU NE SAIS NI LIRE NI ÉCRIRE.

On a des débats aussi en interne autour de cette campagne. Qu’est-ce que l’on doit faire ? Quel est le rôle de l’associatif ? Est-ce que l’on doit former notre public pour permettre d’accéder à tous ces services qui sont dématérialisés ou est-ce qu’il faut questionner cette numérisation et exiger des guichets ? Ici, on fait les deux parce qu’on se rend bien compte que les deux sont importants. À la fois, il faut questionner cette numérisation, cette disparition de plus en plus de l’humain dans nos rapports avec l’administration, avec les institutions, mais même avec l’école puisque maintenant l’école de plus en plus se numérise. Les journaux de classe qui sont envoyés par voie éléctronique, là aussi, l’humain commence à disparaître.

Il ne s’agit pas juste d’utiliser les outils, mais de réfléchir aussi à ces outils et la place qu’ils ont dans notre vie.

On ne peut pas gérer un service public comme une entreprise. Le but d’un service public, d’un CPAS [par exemple] n’est pas d’être rentable. Je trouve qu’on entend un peu trop souvent à la radio, que tel CPAS est en déficit, que pour la poste, tel secteur d’activité n’est pas assez rentable. C’est un service public. Ce n’est pas fait pour être rentable. C’est fait pour rendre service aux gens, à la population. La nouvelle technologie vient ici en proposant de réduire les coûts. Effectivement, il y a moins de personnel. Je pense que c’est lié à la numérisation. On voit les gains, simplement tout bêtement en termes d’équilibre budgétaire qu’il faudra atteindre. Et puis, il y a une sorte de mythe, de croyance liés à l’évolution technologique : la technologie résout nos problèmes. La technologie serait neutre. Elles serait bonne et elle va résoudre nos problèmes.

On le voit bien. On est tranquillement dans son fauteuil dans son salon. On peut acheter, organiser ses vacances. Organiser ses déplacements. Faire des virements. Acheter des actions, etc. C’est très beau. Ça marche avec certaines personnes mais les décideurs – je pense – ne se rendent pas compte que pour beaucoup de gens, c’est vraiment un leurre et qu’au contraire – et c’est ce que l’on dit avec la campagne – ça met aussi de la distance – qui existait déjà auparavent [il est vrai]. On agit sur deux niveaux. Il y a la fracture numérique mais à la base, la question n’est pas tellement l’accès aux matériels ou à la manipulation des interfaces mais ce sont des problèmes d’écriture et de lecture. C’est quand même ça qui fait que les gens ont un problème d’accès par la suite aux différents services.

PATRICIA FERNANDEZ, IRIA GALVAN CASTANO, FABIEN MASSON ET DELPHINE CABU

ILLUSTRATION : GETTY IMAGES