LA BASE DU DÉBAT AUTOUR DES LUTTES SOCIALES ET CLIMATIQUES.

SYNDICALISME ET JUSTICE CLIMATIQUE (texte extérieur par les Actrices et Acteurs des Temps Présents).

L’obtention des droits civils au XVIIIe siècle s’est faite suite aux révolutions américaine et française tandis que l’avènement des droits politiques et sociaux aux XIXe siècles et XXe siècles a été le fruit de longs combats, souvent syndicaux. Aujourd’hui, les dérèglements climatiques et la disparition de la biodiversité amènent inexorablement les syndicats à s’interroger tant sur l’écriture d’un nouveau contrat social et environnemental que sur la manière de mener les luttes ou sur les enjeux clés à mettre sur la table des négociations.

La question du travail et, partant, celle de l’emploi vont être amenés à bouger très vite dans les années à venir. Le productivisme devra, par exemple, être abordé de front. Tout d’abord parce qu’il repose pour une très grande part sur des politiques extractivistes touchant à des ressources non renouvelables ainsi qu’à des matières fossiles qu’il est nécessaire aujourd’hui d’abonner. Si nous voulons, non pas tenir les objectifs de la COP 21 qui sont d’ores et déjà impossibles à atteindre, mais simplement parvenir dans 20 ans (au moins) à maintenir la température mondiale moyenne à deux degrés d’augmentation maximum, il va falloir faire des choix drastiques et audacieux qui imposent entre autre choses la fin des mines et des extractions fossiles.

Mais si le productivisme demande à être abandonné, c’est aussi parce qu’il fournit un alibi commode au monde patronal, lui permettant d’arguer du pouvoir d’achat et de l’augmentation du confort de vie des travailleuses et des travailleurs pour justifier la poursuite de politiques nocives voire toxiques.

Pour le monde syndical, la sortie du productivisme et du consumérisme qui l’accompagne représente évidemment un bouleversement complet : ce sont des dizaines et des dizaines d’années d’habitudes et de traditions qu’il s’agit aujourd’hui de questionner. L’emploi qu’il faut défendre et trouver désormais est un emploi à la fois respectueux des droits des travailleurs, certes, mais aussi des droits de la planète. Et même, a-t-on envie d’ajouter, un emploi respect du travail.

Contrairement à ce que l’on pense souvent, le monde du travail peut sortir gagnant de ce défi. Faire un travail qui a du sens et qui permet – outre de donner à chacune et chacun les moyens de sa subsistance – de garantir les conditions d’une existence commune, c’est aussi sortir le travail de sa fonction de nécessité pour lui offrir une vocation d’utilité. Devant cette urgence dont les effets concerneront nos enfants et petits-enfants, qui refusera un travail qui serait utile et salutaire, qui serait écologiquement non toxique et socialement intègre ?

On a vu à l’occasion de la crise sanitaire et des premiers soubresauts climatiques d’importance qu’a connus notre pays à quel point les logiques de marchandisation et d’économie d’échelle ont affecté le secteur hospitalier et celui de la protection civile. Réintégrer ces secteurs dans leur sens plein de services publics (comme viennent de le faire les Norvégiens en remunicipalisant tout le secteur des maisons de retraite) est une première évidence. En ce sens, définir des biens communs qui doivent être sortis de la loi du marché est une première étape qui doit être encouragée par les syndicats tant à l’échelle locale que mondiale. La réduction du temps de travail est une autre phase indispensable qui ne peut pas attendre que le patronat accorde deux heures de réduction ici ou quatre heures là. La réduction dont il est question doit être bien plus ambitieuse que cela.

Si l’on veut pouvoir sortir de la barbarie du système capitaliste et juguler la pleine puissance de la finance, la modification des textes de loi existants est une nécessité incontournable. Ces modifications ne s’obtiendront pas sans mal et le capitalisme qui ne vit jamais aussi bien que dans les catastrophes pourra faire valoir qu’il a encore de belles heures à vivre en réparant ce qu’il a cassé.

Ce n’est qu’en associant tous les acteurs qu’on peut imaginer un monde plus juste et respectueux de la terre sur laquelle on vit. Pour y arriver, les syndicats doivent réinventer leurs méthodes d’actions en instaurant des rapports de force jusqu’à l’obtention d’un vrai changement de paradigme sociétal. Il ne sert à rien de se battre pour une augmentation des salaires quand une grosse partie de l’humanité vit sous le seuil de pauvreté, que la terre brûle et que les migrants se noient en tentant de fuir des territoires devenus inhabitables.

La force des syndicats ne peut venir que d’une coordination mondiale sur des enjeux essentiels au bien-être du plus grand nombre et à la sauvegarde du vivant. Ils doivent absolument se positionner comme acteurs de changement et revenir à la genèse de leur création : au service du peuple avec la participation la plus large possible de leurs membres pour débattre des choix stratégiques à adopter.

La création de Brise en Belgique, plateforme regroupant les trois syndicats afin de penser les enjeux climatiques, semble bien légère pour pouvoir peser sur l’avenir de la planète. Le fonctionnement en piliers chrétien, socialiste et libéral de notre pays ne facilite pas la conscientisation des gens et freine la mutualisation des forces pourtant nécessaires à toute avancée significative.

Quoi qu’il en soit, s’ils veulent influencer les débats et les actions à mettre en place ces syndicats doivent d’abord se soigner de leur bureaucratisation excessive, de leur fonctionnement par secteurs d’activités et redonner le pouvoir à la base tel que le prévoyait la Charte de Quaregnon, texte fondateur de la FGTB.

Enfin, s’il faut bien admettre que travailler dans des réseaux internationaux prend beaucoup de temps et d’énergie et peut se révéler un exercice ardu, il reste que ce travail en réseau est plus que jamais nécessaire vu le caractère universel et inexorable des problèmes qui nous touchent.

C’est la raison pour laquelle il nous faut développer sans attendre une vision systémique avec nos camarades de toute la planète afin de comprendre d’abord à quel point les justices fiscales, sociales, climatiques et migratoires sont intimement liées, de s’entendre ensuite sur les moyens collectifs d’y parvenir et de passer à l’action, enfin.

Vaste programme en perspective mais avons-nous encore le choix ?


WILLY COUVERT (stagiaire) A MIS EN PLACE TROIS NUMÉRO D’UNE REVUE ÉPHÉMÈRE ET A DEMANDÉ QUELQUES CONTRIBUTIONS EXTÉRIEURES [DONT CELLE-CI] POUR UNE JONCTION ENTRE LES LUTTES. POUR EN SAVOIR PLUS C’EST ICI http://www.amisdelaterre.be/qu-est-ce-que-la-justice-environnementale

TEXTE ÉCRIT PAR MATHIEU VERHAEGEN, PAUL HERMANT ET SERGE MOURAVIEFF, MEMBRES DES ACTRICES ET ACTEURS DES TEMPS PRÉSENTS.

PHOTO : MARCHE POUR LE CLIMAT DU 13 OCTOBRE, PARIS – AUTEURE : Jeanne Menjoulet –October 2018, 15:35