C’EST ANGELA DAVIS QUI DIT QUE LA LUTTE DES PERSONNES SANS-PAPIERS EST SÛREMENT LA PLUS IMPORTANTE DES LUTTES AU MONDE AUJOURD’HUI, CAR ELLE REMET EN QUESTION LES FRONTIÈRES AVEC LE COLONIALISME. (PARTIE 2)

La proposition qui m’a été faite pour mon intervention est : guerre aux sans-papiers et migrants.

Mais en fait, la guerre évoquée n’est pas celle qu’on a déclarée comme une guerre entre deux camps ou pays, car un des deux côtés n’a pas le choix des armes. Ils nous font la guerre tout en sachant que nous n’avons pas les mêmes armes et que leurs armes sont produites à partir de nos sols, de nos sueurs, de nos sangs et de nos sous. Cette guerre est froide. Elle est invisible aux yeux des belliqueux.

On finit par se faire la guerre en nous et entre nous. En somme, nous passons de l’humiliation à l’aliénation.

J’ai quitté mon pays dans l’impossibilité de suivre un parcours universitaire à cause des incessantes perturbations politiques sur place comme dans tous les pays d’Afrique d’ailleurs. Désireuse de poursuivre mes études, j’ai pris le risque d’aller voir ailleurs et ce fut la Belgique. Mon choix a été porté sur l’Université catholique de Louvain. Et là encore, on a décidé de me faire la guerre. Donc, nous sommes en guerre. Mais qui sont nos ennemis ? Tellement nombreux qu’il est difficile de les distinguer. Serait-ce l’Europe ? Les chefs d’État majorettes de l’Afrique ? Ou serait-ce la petite Belgique toute plate ? Ces gouvernements successifs ? Les patrons et actionnaires gorgés de domination ? Ou encore les universités qui – comme dans mon cas – on fait preuve d’une froideur pragmatique sans aucune considération de la situation juridico-administrative dans laquelle cela allait me plonger ? Ou serait-ce la gentille société civile belge jusqu’à ces faux amis souriants vers nous avec le baiser du diable ? Ceux qui pratiquent la fameuse bienveillance, qui veulent nous éduquer, nous émanciper, nous aider, nous sauver mais de quoi ? Je vous assure qu’ils ne sauraient même pas répondre à cette question !!!

De plus, à quoi bon une guerre dans laquelle sont gaspillées tant de balles. Ils se battent contre les morts-vivants endettés jusqu’à 100 générations. Je revendiquerai ici le thème politique de sans-papiers comme identité collective de résistances quand le terme de migrants est apolitique, globalisant, déshumanisant et bien entendu diabolisant. En effet, le mot sans-papiers est collectivement synonyme de la lutte, mais individuellement un mot du stigmate. Quand on est sans-papiers, on perd sa nationalité d’origine jusqu’à son nom propre.

Le monde politique et médiatique parle de guerre et de peurs à tout bout de champ. Mais ils refusent d’entrevoir de qui fait la guerre à qui ? Qui a peur de qui ? Et qui ne devrait pas avoir peur ? Qui peut avoir peur ? Qui a souvent eu peur, mais ne veut plus ? Cette intervention tente de renverser le camp de la peur…

LECTURE DE MILADY RENOIR…

SOUHAILA AAMRI : GUERRE AUX MUSULMANS, MOHAMED AMER MEZZIANE : GUERRE IDÉOLOGIQUE, LETICIA ASSEMIEN : GUERRE AUX SANS-PAPIERS/MIGRANTS, VÉRONIQUE CLETTE GAKUBA : GUERRE AUX NOIRS, OLIVIER MARBOEUF : GUERRE À L’ANTIRACISME POLITIQUE, LUIS MARTINEZ ANDRADE : GUERRE À LA NATURE, RAMON GROSGOGUEL: GUERRE À LA VIE, MOUHAD REGHIF : GUERRE AUX ARABES, MICHÈLE SIBONY : GUERRE AUX PALESTINIENS, FRANÇOISE VERGÈS : GUERRE AUX FEMMES

PHOTO DE LA COUVERTURE DU LIVRE : L’EMPIRE QUI NE VEUT PAS MOURIR – UNE HISTOIRE DE LA FRANÇAFRIQUE – SOUS LA DIRECTION DE THOMAS BORREL, AMZAT BOUKARI-YABARA, BENOÎT COLLOMBAT ET THOMAS DELTOMBE AUX ÉDITIONS DU SEUIL – 2021 – « QUINZE ANS APRÈS LA SECONDE GUERRE MONDIALE, LA FRANÇE A OFFICIELLEMENT OCTROYÉ L’INDÉPENDANCE À SES ANCIENNES COLONIES AFRICAINES. UNE LIBERTÉ EN TROMPE-L’OEIL. EN RÉALITÉ, PARIS A PERPÉTUÉ L’EMPIRE FRANÇAIS SOUS UNE AUTRE FORME : LA FRANÇAFRIQUE. UN SYSTÈME OÙ SE MÈLENT DES MÉCANISMES OFFICIELS, ASSUMÉS, REVENDIQUÉS (militaires, monétaires, diplomatiques, culturels…), ET DES LOGIQUES DE L’OMBRE, OFFICIEUSES, SOUVENT CRIMINELLES »…