« MAIS D’OÙ VIENT LA POLICE ? »

UNE ÉTUDE DE 40 PAGES [extrait et lien ci-dessous] DE STÉPHANE JONLET + RENCONTRE…

En Europe aussi la police tue chaque année plusieurs personnes, la plupart du temps des jeunes hommes noirs ou arabes. Certaines de ces mises à mort ont été filmées et suivies de manifestations ou d’émeutes. Pourtant, la question de l’abolition de la police est pratiquement inaudible dans les espaces publics européens. Une des raisons principales vient de la faiblesse, voire de l’inexistence des mouvements politiques qui revendiquent clairement la suppression de la police.

En Amérique du Nord, ces mouvements se sont construits depuis des décennies en multipliant les actions de protestation, en menant des campagnes politiques et en organisant la solidarité au sein de communautés ciblées par le harcèlement policier. En parallèle s’est développée une lecture critique de l’histoire de la police. Face à une institution qui se présente comme « naturelle, intemporelle et indépassable  » , des chercheur·euse·s ont montré que la police américaine était au contraire le fruit d’un contexte social précis et historiquement situé. Elle découle directement de trois sources principales : les slave patrols, milices d’hommes blancs qui perpétuaient l’esclavage par la terreur, les vigilance committee, bandes armées qui défendaient la famille, la propriété et la race blanche en procédant notamment au massacre des Amérindien·ne·s et au lynchage des marginaux et enfin les « gros bras » qui étaient engagés par les patrons pour casser les grèves et les mouvements sociaux urbains.

Cette connaissance des racines du système policier américain a permis de mieux comprendre la nature des brutalités commises envers les personnes noires, autochtones, pauvres, marginalisées, nomades ou militantes. Loin d’être des « bavures », l’acharnement policier sur certaines catégories de la population s’inscrit dans un fonctionnement structurel et découle du rôle historiquement attribué à cette institution. Quand certain·e·s disent que les flics meurtriers ne sont que des « mauvaises pommes » et qu’il ne faut pas pour autant jeter tout le panier, les activistes états-unien·ne·s répondent que c’est parce que celles-ci proviennent d’un arbre pourri depuis les racines et qu’il est temps de le couper.

Jusqu’au début des années 2000, l’histoire policière européenne était largement dominée par une histoire interne. Cette histoire, faite par des policiers, poursuivait principalement des objectifs de légitimation par une forme d’« enracinement » : en rendant hommage aux policiers du passé, on procure une forme de fierté aux flics du présent. Ces travaux, sans être inintéressants, comportent de grosses lacunes et manquent cruellement d’objectivité.

Depuis une vingtaine d’années, heureusement, un nouvel intérêt est porté aux archives des polices européennes par des chercheur·euse·s universitaires et quelques travaux plus rigoureux sont peu à peu disponibles. Bien que les sources policières restent difficiles d’accès, ces travaux commencent à dépeindre une histoire du maintien de l’ordre et du contrôle social sous une perspective plus critique. Pourtant, le chemin est encore long avant que les mouvements sociaux européens ne soient familiarisés avec l’histoire de « leur » police. C’est cette lacune que je souhaiterais modestement commencer à combler en présentant quelques bribes des origines de l’appareil policier en Europe de l’Ouest…

LIEN DE L’ÉTUDE : https://www.barricade.be/sites/default/files/publications/pdf/2022_etude_mais-d-ou-vient-la-police_0.pdf

ILLUSTRATION : AUTEUR : DAN FROM CHEVROLET – US PARK POLICE OFFICER IN CLASS A DRESS UNIFORM AND MUSTACHE – 12 AOÛT 2014 –