Il y a les CRÈMES GLACÉES et LES TROUS (ÉTERNELS) dans le sable creusés par les enfants + MUSIQUE fait maison + Thomas qui quitte sa MONTAGNE (pour la première fois) À VÉLO…

MICRO OUVERT A ENVIE DE DÉCOLLER CETTE SAISON AVEC UN PEU DE POÉSIE…ET UN TEXTE (ci-dessous) QUI N’EST PLUS COMPLÈTEMENT JEUNE ( il est vrai ) MAIS QUI LAISSE SONGEUR SUR CETTE FAMEUSE ÉPOQUE DANS LAQUELLE NOUS VIVONS ET SA COMMUNICATION DE MASSE.

POUR QUE LES GENS PARLENT…de ROGER GENTIS, Guérir la vie, MASPERO, 1971.

Pour que les gens parlent, faut aussi qu’ils osent parler. Ça aussi ça a l’air de rien et pourtant c’est quelque chose le nombre de gens qu’osent pas l’ouvrir, y a même pas besoin de les empêcher, ils se la coupent très bien tout seuls et ils trouvent toutes sortes de bonnes raisons pour pas se faire entendre, que de toute façon on les écoutera pas, et que ça servira à rien, – et le jour où ils sont un peu sincères ils finissent par avouer qu’ils ont peur qu’on se foute d’eux, qu’ils ont peur de dire des conneries. En voilà une affaire, cette peur de dire des conneries. Comme si tout le monde en disait pas, des conneries, comme si dans tout ce qu’on débite y avait pas quatre-vingt dix pour cent de conneries en moyenne, j’évalue ça en gros et vous m’en voudrez pas si je tombe un peu en dessous de la vérité. Et puis qui c’est qu’en juge, que vous dites des conneries, qui c’est qu’en décide que c’est des conneries ? C’est toujours la même histoire : au lieu de constater tout bêtement que les valeurs, c’est ni plus ni moins des mirontons comme vous et moi qui les font, aussi plats, aussi cons, aussi limités que vous et moi et sûrement pas infaillibles, les gens ils ont toujours derrière la tête, ce qu’il fait qu’ils peuvent jamais le voir en face, ce modèle idiot de comment le monde est fait qu’y a quelque part dans les hauteurs une espèce de dépôt des poids et mesures ousqu’on trouve les étalons de tout ce qu’il faut dire et de ce qu’il faut pas dire, de ce qu’il faut penser et de ce qu’il faut pas penser, et toutes les fois qu’ils voudraient en sortir une ils se demandent ce que l’étalon va en dire, si elle sera à la bonne longueur ou si elle va pas avoir l’air trop minable, alors neuf fois sur dix après avoir bien réfléchi ils préfèrent le rentrer en douce, ils ont trop peur d’avoir l’air con. Moi si je refaisais les Droits de l’Homme, qui commencent à en avoir bien besoin, celui que je mettrais avant tous les autres parce que c’est le plus fondamental et c’est peut-être le seul qui pourrait vraiment changer la vie, c’est le DROIT À LA CONNERIE. Le jour où chacun en sera pénétré, le jour où chacun sera décidé à l’exercer, vous pouvez pas imaginer ce que le monde sera plus heureux, et plus détendu, et plus aimable aussi. En attendant, faut continuer à avoir l’air intelligent, ce qu’on s’emmerde !

Quand je trouve que les gens parlent pas assez, je me comprends. Je veux dire la plupart des gens, presque tout le monde mais pas tout à fait, – parce qu’autrement j’ai pas été sans me rendre compte qu’y en a quelques-uns qui parlent plutôt trop, même qu’on entend qu’eux, et souvent vous remarquerez que c’est pour pas dire grand chose. Dans mon métier je suis bien placé pour ça, avec les gusses de l’Administration d’un côté et mes chers collègues de l’autre, c’est pas croyable le monde qu’il peut y avoir pour aimer faire des discours. Et je te balance un exposé par-ci, et je te pousse une conférence par-là, dès qu’y en a un qui peut sauter sur les tréteaux et se pavaner derrière un tapis vert faut qu’il y aille de son numéro et qu’on se le farcisse pendant une heure et encore faire bravo bravo quand il s’arrête. Je dois pas être fait comme les autres, quand je regarde autour de moi les gens ils ont plutôt l’air d’aimer ça, et même ils savent dire quand quelqu’un a bien parlé. Moi je peux pas tenir plus de trois minutes, surtout si le type parle bien ça m’endort, et je fous le camp je sais pas trop où, des rêveries érotiques et des verts pâturages et tout ce qu’on voudra, et quand on se met à applaudir ça me réveille en sursaut et je me dis merde, il a déjà fini, c’était pourtant bien agréable. Je peux pas m’empêcher de penser que si y en a qui parlaient moins, les autres parleraient peut-être un peu plus et il se dirait un peu plus de choses, enfin finalement ce qui compte c’est que ça pourrait parler davantage. Qu’y en ait toute une masse qui la ferment et juste quelques-uns sur une estrade qui soient préposés à la parole, je trouve que c’est un système qu’est pas valable et que c’est pas le bon moyen que ça parle, c’est sûrement pas comme ça qu’il se dira vraiment quelque chose et c’est sûrement pas comme ça que ça va se mettre à avancer, c’est plutôt un bon système pour que ça tourne en rond.