C’EST TOUT NOUVEAU, TOUT CHAUD. UN DIPLÔME UNIVERSITAIRE EN ÉTUDES DE GENRE EN BELGIQUE (francophone). Pouvoir mettre des lunettes genre et une fois que vous les mettez, vous ne les enlevez plus. Vous comprenez véritablement la société différemment. Que ce soit en histoire, sociologie ou politique… VALÉRIE PIETTE

C’est toujours cette nécessité de redécouvrir son histoire. Ce sont des mouvements qui n’ont pas d’histoire qui n’ont jamais eu d’ancrage scientifique, académique. Il faut donner de la visibilité. Et de la visibilité académique, c’est important aussi. Les universités anglaises, américaines et autre(s) l’ont compris depuis très longtemps et l’Europe est restée un peu à la traîne et la Belgique encore plus.

Cette nouvelle formation en études de genre met en commun les expertises des six universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles. J’ai participé à la construction de ce master avec des collègues de chaque université. Nous étions une dizaine autour de la table. Deux personnes par université.

C’est comprendre pourquoi une politique qui est menée aujourd’hui n’est jamais neutre par exemple. Même si elle se dit universelle. Parlons des pensions aujourd’hui. Allonger le temps de la pension…ben on se dit que c’est une mesure qui va toucher les deux sexes…on sait bien que dans la pratique, c’est tout à fait faux pour plein de raisons différentes. Parce que les femmes gagnent moins. Parce qu’elles sont plus dans des temps partiels…

Beaucoup de jeunes filles que je rencontre en donnant cours sont souvent moins sensibles aux discours que les jeunes garçons. Quand je parle de genre, de questions de femmes, d’égalités, de féminismes, elles ne voient plus le problème. Mixité à l’école, accès à la contraception, liberté, tout est gagné…Accès aux études, elles peuvent choisir… Elles peuvent tout faire et donc, elles ne se rendent pas compte en fait encore des constructions qui sont là, sous-jacentes et du discours. Et souvent, je les retrouve…vers 30 ans…Elles reviennent et elles me disent : vous n’aviez pas tort…Parce que tout à coup, elles veulent justement accéder à la maternité ou travailler, faire carrière, etc. Et là, elles se rendent compte que le modèle dominant n’est pas le leur. Alors que les jeunes hommes (parce que quand on parle de genre, on parle aussi d’hommes quand même) se disent plus facilement féministes aujourd’hui ou intéressés par ces questions parce que justement le genre est questionné. Evidemment, il provient à la base du mouvement de femmes, de théoriciennes, d’intellectuelles…qui vont penser la situation des femmes de manière réflexive. C’est-à-dire que si on parle des femmes, il faut bien savoir ce qui se passe du côté des hommes. Si d’une certaine manière les femmes ont été invisibilisées dans l’histoire, d’une certaine manière les hommes aussi. Le masculin également est aussi une construction en grande partie. On ne naît pas femme, on le devient. C’est la fameuse phrase de Simone de Beauvoir. On ne naît pas homme, on le devient aussi. Quelles sont les constructions ? Cette idée de performativité, de virilité…c’est aussi quelque fois lourd à porter pour de jeunes hommes…Et donc, c’est aussi extrêmement intéressant à analyser. C’est pour ça, qu’aujourd’hui la masculinité, la paternité est interrogée dans les universités. Il y a énormément de recherches qui s’ouvrent sur ces questions-là, qui n’avaient jamais été questionnées avant tellement elles paraissaient soit évidentes soit – inquestionnables – d’une certaine manière et aujourd’hui, elles le sont et c’est très bien.

VALERIE PIETTE