COMMENT TOUT PEUT S’EFFONDRER. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes + L’ENTRAIDE l’autre loi de la jungle. Rencontre avec GAUTHIER CHAPELLE et PABLO SERVIGNE.

L’effondrement : il est sûr que ce n’est pas sûr. Ce que l’on montre dans le livre, c’est que la science n’a aucun moyen de montrer que cela va arriver et elle n’a aucun moyen de montrer que cela ne va pas arriver.

On choisit de mettre les pieds dans le plat. Ça sidère. La discussion part à partir de là. Qu’est-ce que l’on entend dans : effondrement ?

Le but n’est pas de faire peur mais d’arriver à être le plus lucide possible sur ce qui arrive pour agir de manière la plus raisonnable possible ou de faire des politiques plus réalistes finalement. Parce que aujourd’hui, c’est vrai qu’il y a un changement climatique. Pouvoir regarder qu’il y a une possibilité d’effondrement  et donc, se préparer collectivement. C’est la question de la politique de l’effondrement. Une fois qu’on le sait, qu’on y croit collectivement, ben…qu’est-ce que l’on fait ? Et qui se pose la question ? Pas beaucoup de monde…Ce sont les collapsologues.

Il y a différents stades d’effondrement. Nous, tout notre travail ça a été de chercher à complexifier, à montrer toutes les couleurs de ce que pourrait être un effondrement ou des effondrements. C’est ce que nous avons appelé : la mosaïque de l’effondrement. C’est-à-dire que cela va être différent à chaque endroit. Chaque région…

Moi, ce qui me fascine dans le monde vivant est pourquoi il y a des sociétés ? Des sociétés animales ? Des thermites, des guêpes, des fourmis, des singes, des primates, des rats…Je trouve ça génial. Pourquoi, on s’entraide ? Pourquoi, il y a de l’altruisme ? Et puis, j’ai fait de la biologie et là, on m’a appris que c’était la guerre permanente, qu’il n’ y avait que de la compétition, de l’égoïsme. Je me suis passionné pour ça. Cela fait 12 ans que je suis passionné.

On a pu raconter de nouvelles histoires sur la loi du plus fort qui est une connerie. C’est de l’idéologie. Une mythologie. Il y a effectivement de la compétition, de l’agression dans le monde des vivants. Mais, il y  a tout autant de la coopération, de l’altruisme, de la mutualite.  La science a découvert 1 millions de trucs là-dessus. C’est génial. C’est passionnant. On a l’impression qu’instinctivement et spontanément, nous sommes égoïstes et que c’est la culture et la société qui nous rend altruiste. Ben, ça, c’est faux. C’est fou de penser comme ça. Cela prend les gens à contre-pied. C’est ça, que l’on a voulu transmettre. Plein de contre-pied, plein de déclics qui déconstruisent la mythologie libérale. Qui déconstruisent la séparation nature-culture. La séparation corps-esprit. Descartes. La loi du plus fort. L’Homme est un loup pour l’Homme de Hobbes. Tout ce qui a fondé la mythologie libérale au sens philosophique du terme et bien, c’est hyper toxique. Non seulement, c’est faux car ce n’est pas fondé sur des faits mais en plus c’est toxique. Ça met notre monde à plus de compétition, à un tourbillon de consommation et d’inégalités, à des organisations hiérarchiques pyramidales, à des chefs, à de la domination et finalement à la destruction de tout ce qui nous entoure des non-humains et des humains. On détruit tout et on se coupe l’herbe sous les pieds.

Prendre conscience que toutes les luttes sociales (le syndicalisme, etc.) en son temps, c’était vraiment une entraide pour lutter contre les dominations. C’est magnifique. Ça réchauffe le coeur et ça donne envie de se battre.

On nous a fait oublier l’entraide à coup de think tank, de millions de dollars, de livres de philosophie, de business school, de prix Nobel d’économie qui récompense la compétition. Il y a vraiment une entreprise mythologique et idéologique. Le côté idéologique est conscient et la mythologie est ce qui est largement inconscient.

Beaucoup de gens croient que la nature est profondément mauvaise et la nature humaine par extension est mauvaise aussi. C’est une croyance très ancrée.

Et si le changement climatique, l’effondrement, les catastrophes globales – le grand méchant loup de notre siècle – permettait à tous les humains et les non-humains d’enfin collaborer pour se sauver ?

Ce qui est dangereux dans les années qui viennent, ce n’est pas les pénuries (parce que l’être humain, il sait gérer les pénuries) mais ce qui est dangereux, c’est d’arriver dans les pénuries avec cette culture de l’égoïsme et de la compétition.

Au Bataclan, on s’est sauvé entre inconnus et sur les pots de chocolat Nutella, on se bat. Et, c’est effectivement l’autre aspect de la nature humaine. Mais , on ne se bat pas à mort non plus (dans le cas du chocolat Nutella). Je pense que l’on n’est pas tout à fait idiot.

Une amie commune dit toujours que le problème est que nous ne sommes plus consciemment bons en entraide. On ne nous apprend plus ça. Mais inconsciemment, on est encore très bon.

PABLO SERVIGNE ET GAUTHIER CHAPELLE – L’ENTRAIDE L’AUTRE LOI DE LA JUNGLE – ÉDITIONS : LES LIENS QUI LIBÈRENT + COMMENT TOUT PEUT S’EFFRONDER – PETIT MANUEL DE COLLAPSOLOGIE À l’USAGE DES GÉNÉRATIONS FUTURES AVEC RAPHAËL STEVENS AUX ÉDITIONS DU SEUIL.