LE PROJET DE LA POUBELLE NUCLÉAIRE À BURE ET L’AGRO-INDUSTRIE BUSINESS DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE. UN HÉRITAGE EMPOISONNÉ.

Il m’a semblé en m’occupant de ces sujets-là, que l’on avait connu un basculement autour – pas uniquement de la Première Guerre mondiale – mais elle a été quand même un tournant très, très fort où l’on a produit des munitions qui aujourd’hui font encore des morts et crée des problèmes aussi dans le domaine des pollutions.

Personne n’avait vraiment écrit sur l’aspect environnemental de cette guerre et donc, je me suis dit : « Je vais commencer une enquête. » Je m’aperçois alors rapidement que l’ancien front fait 700 km de long. Il va de la mer du Nord à la frontière suisse en passant par la Belgique puis par une dizaine de départements en France. C’est juste gigantesque !

Dans ce travail émerge les pollutions liées à la destruction des munitions après-guerre. Un épisode extrêmement peu connu de cette histoire des années 1920 est : comment a-t-on traité les déchets de la guerre ?

Énormément de ces déchets de guerre ont été envoyés dans le département de la Meuse parce qu’il était le plus pauvre et les gens savaient moins se défendre. Une industrie privée se chargea de son recyclage, mais un recyclage uniquement partiel et qui causait des pollutions très, très importantes puisque les gaz on ne savait pas quoi en faire. Donc, ils les brûlaient. Ils recyclaient les métaux, les poudres pour en faire des engrais, mais le gaz, ils ne savaient pas quoi en faire.

Ce sont les populations des villages alentour qui ont subi cette industrie. On les avait consultées pourtant mais on n’a pas écouté leurs protestations. Elles ont été balayées par le ministre de la guerre de l’époque qui a imposé cette industrie.

Ce qui s’est passé, c’est qu’à la fin des années 1920, cette industrie privée a disparu. Probablement en partie à cause de la crise de 1929 et que cette activité n’était pas assez rentable. Puis, le gouvernement français a laissé les habitants reconquérir au fur et à mesure ces terres qui étaient extrêmement polluées. Des métaux lourds, mais aussi des polluants comme de l’arsenic, des perchlorates…des choses qui ont un impact sur les nappes phréatiques et potentiellement sur la santé des populations.

Ce qui m’a frappé finalement, c’est que les gens savaient encore qu’il s’était passé des choses à cet endroit. Ils avaient quand même reconquis ces terres parce que justement probablement, on leur avait dit et bourré le crâne avec le fait que c’était « eux » qui se trompaient. Que ce n’était pas dangereux. Il y a eu un tel déni de leur bon sens et aussi de la démocratie qu’il y a un pan entier de la mémoire qui avait disparu.

Pour lever des sources et pour réveiller la mémoire, ce que j’ai fait – pas uniquement en Meuse – en cours de processus, quand j’étais dans un village, je donnais des conférences et j’expliquais mon travail et la redécouverte de cette industrie, de ces pollutions qu’on découvre récemment et partout, ça se secoue mais en Meuse, ça secouait plus qu’ailleurs. Il y avait comme un souffle d’émotions dans la salle. Quelqu’un a dit : « Et ça continue ! Ah ben maintenant, on veut nous mettre les déchets nucléaires. »

Les déchets de 1914-1918, on sait qu’on en a encore pour plusieurs centaines d’années à les gérer. On ne sait pas d’ailleurs exactement quelle est l’échelle du temps. On parle plutôt de siècle que de millier d’années. Par contre, les déchets que l’on veut enterrer à Bure à 500 mètres sous terre, ce sont des déchets qui pour certains, resteront dangereux pendant 1 million d’années. On est dans des échelles de temps durant lesquelles on ne peut absolument pas assurer une mémoire humaine.

La pression sur les habitants est insupportable parce que malgré le fait qu’ils habitent là, ils subissent encore tous les jours la même pression, les mêmes contrôles. Vous imaginez de vivre comme ça tous les jours dans un village. Donc, ça calme les gens et ça met beaucoup de désespoir. Ça sème la zizanie aussi. Il faut imaginer. Les terres ont été rachetées petit à petit. On a donné de l’argent aux agriculteurs. Beaucoup d’argent pour racheter leurs terres à des prix supérieurs à ce qu’elles valaient. Après, on leur reloue. Puis, il y a ceux qui ont accepté. Ceux qui résistent. Ça crée des dissensions. C’est diviser pour régner en fait. Vieilles techniques.

On vit dans une économie violente qui fait payer davantage le prix aux plus faibles, aux plus pauvres.

ISABELLE MASSON-LOODTS –

La page FB où les dates de projection sont annoncées: https://www.facebook.com/Un-h%C3%A9ritage-empoisonn%C3%A9-le-film-112592925935856/

La bande annonce sur Vimeo: https://vimeo.com/297794522/a4fd50682b

La page web de la manif « Vent de Bure » à Nancy: https://ventdebure.com/

Mon travail sur les paysages de la première guerre mondiale: http://www.paysagesenbataille.be/

Une projection prévue le 10/10 au Musée du capitalisme à Gembloux: https://centreculturelgembloux.be/?p=8369