DEUX JOURNALISTES ONT ÉTÉ VIRÉS POUR AVOIR CONTINUÉ À INFORMER LE PUBLIC. ET CERISE SUR LE GÂTEAU, ILS EN ONT REÇU UN PRIX. ON AURAIT TELLEMENT SOUHAITÉ À LA PLACE UNE PRISE DE POSITION ÉNORME DU POLITIQUE POUR QUE CELA SOIT POSSIBLE DE FAIRE SON TRAVAIL COMME IL FAUT.

Le premier sentiment que j’ai eu c’est de l’amertume. Il m’a fallu quelque temps finalement pour digérer cette espèce de situation un peu surréaliste puisqu’on nous reprochait certaines choses qui sont aujourd’hui récompensées. Donc, ça relève un peu de l’injonction paradoxale. Ce sont des mécaniques différentes. Les personnes qui nous ont licenciés ne sont évidemment pas les mêmes personnes qui nous ont remis ce prix. Pour le prix, c’est un jury composé de parlementaires et de journalistes professionnels. Et ceux qui nous ont licenciés sont des gens à la solde des actionnaires. Donc, les logiques sont totalement différentes et la motivation aussi.

L’intersection que l’on peut identifier dans ce que vous venez de décrire, c’est le monde politique. Alors là, je suis un peu plus sévère par rapport au monde politique parce que le politique au moment où on dénonçait une série de choses dans le journal L’Avenir, il a fait preuve d’une inertie incroyable.

Le monde liégeois était fasciné par Stéphane Moreau qu’il considérait comme un capitaine d’industrie et qui allait promouvoir l’initiative publique. Ils ont été fascinés. Et pendant ce temps, ce petit monsieur cupide assurait non pas de l’emploi – peut-être sans doute – mais surtout son compte en banque et son pouvoir. Il y avait quelque chose d’abject dans tout ce qui s’est fait.

Aujourd’hui que les pièces du puzzle sont quasiment toutes sur la table – il y en a encore qui à mon avis apparaîtront d’ici peu – , on se rend compte que cet homme ne méritait pas la latitude qu’il a bénéficié pendant autant d’années. Il y a eu une sorte de cécité, d’aveuglement par rapport à des problèmes qui étaient déjà sur la table. On ne savait pas ce qu’il se passait chez Nethys, mais on savait que ces gens qui avaient le pouvoir des Éditions de L’Avenir avaient développé plutôt un pouvoir de nuisances terribles. On ne savait plus faire de projets et alors fondamentalement depuis le scandale Publifin, c’est devenu épouvantable comme situation.

Nethys, ce sont des hommes d’affaires qui ont une stratégie apparente, mais derrière laquelle, il n’y a que du pipo. Que du vent. Et puis, arrive fin 2016 ce fameux scandale des comités de secteur dont tout le monde a parlé et qui somme toute avec le recul, peut sembler même un peu pelliculaire par rapport au scandale bien plus important qui se trouve derrière Nethys.

Moi, ce que je ne comprenais pas, c’est comment un mandataire pouvait accepter de recevoir de l’argent pour des prestations qu’il n’effectuait pas. C’était ça, le scandale ! Et je dois dire que le politique à ce moment-là, il ne s’émouvait pas énormément. C’était surtout les journalistes qui dénonçaient.

Je crois que c’était un peu une pratique qui n’était pas propre aux comités de secteur. Je me suis renseigné par la suite et la pratique en générale est que quand on ne venait pas aux réunions dans d’autres assemblées, ben, on n’était pas payé. On n’a pas de jetons de présence. Mais disons que Nethys avait à l’époque poussé le système au maximum. Et moi, j’ai toujours dit : « Que c’était acheter le silence du monde politique. »  Et ils se taisaient d’autant plus qu’ils ne venaient pas aux réunions.

C’est un mandataire qui a été le premier lanceur d’alerte : Cédric Holin. Il a voulu avoir des informations. Il a dû faire presque des recours administratifs pour obtenir un minimum d’informations. Il s’est acharné. Il a dit : « Ce n’est pas normal que l’on ne réponde pas à mes questions. Le personnel politique à ce niveau-là n’a pas fait son boulot de contrôle et donc, de contre-pouvoir. »

C’est un dossier compliqué qui était extrêmement compliqué. Franchement, il y avait peu de gens qui maîtrisaient toute la technique. D’autant que le Groupe Nethys avait créé des filiales partout. Ils ont commencé à acheter des journaux français. Ils ont investi dans les éoliennes et donc, ça devenait vraiment un « Groupe » difficile à comprendre et d’une opacité épouvantable. Le dossier était difficile.

Il y a tous les jours des articles avec de nouvelles révélations ces derniers mois, ces dernières semaines. Des révélations qui montrent que depuis au moins 2 ans, les patrons de Nethys s’organisent parce qu’ils savent qu’il y aura un terme à leurs agissements et qu’à un moment donné, ça ne passera plus. Ils se sont organisés pour faire payer par Nethys leurs avocats. Pour avoir un salaire garanti. Je veux dire que cela fait des années que ces gens finalement préparent leur sortie…Je pense que l’on va [encore] découvrir des choses. Oui.

DOMINIQUE VELLANDE