EST-CE QU’IL FAUT NOUS PRIVER DE LIBERTÉ POUR NOTRE SÉCURITÉ ?

Il y a énormément de choses qui se jouent. Je pense qu’on l’a vu ici pendant la crise (Covid 19). On a vu que la crise n’a fait qu’accélérer le processus. C’est déjà un espèce de modèle de société qui est poussé par toute une série d’entreprises, de géants du numérique ou mêmes de startups qui sont largement suivies en fait par les pouvoirs politiques et donc, cette tendance de numériser, d’ajouter de la technologie au monde, est une certaine vision du progrès, mais qui est partagée vraiment par beaucoup de gens ou en tous les cas par beaucoup de décideurs politiques.

On pense que vu que ce numérique est justement partout et qu’il change fondamentalement des aspects vraiment essentiels de nos vies, on devrait au moins comprendre ce qui se passe dans le débat public actuellement. Si vous regardez dans tous les médias, dans tout ce qu’on y lit, ben finalement c’est un peu toujours la même vision qui vient : la technologie c’est l’avenir. Point et puis c’est tout. Il n’y a pas d’autres alternatives que l’on pourrait imaginer. Et ça, on trouve que c’est problématique. La technologie ce n’est pas quelque chose de magique, qui se meut et s’insère toute seule dans nos vies. La technologie ce sont des gens, des décideurs politiques, ce sont des entreprises, ce sont des gens qui travaillent à construire un modèle de société et je ne vois pas de quel droit, seuls ces gens pourraient décider de l’avenir de la société. On doit intervenir.

L’enjeu majeur de cette application de traçage sont des enjeux de liberté, d’éthique et de visions de la société que l’on veut. C’est-à-dire, est-ce que l’on veut absolument sacrifier sa vie privée et sa liberté dans ce cas-ci pour la santé ? C’est une question qui est extrêmement intéressante, mais ce serait dangereux qu’un gouvernement y réponde seul, je pense.

Oui, il y a beaucoup de caméras et il y en a de plus en plus. Je ne sais pas si tu as entendu, mais la semaine passée ou il y a 2 semaines…la Côte flamande chez nous en Belgique va installer un réseau de 120 caméras avec de l’intelligence artificielle qui va « gérer le flux » des gens. Pourquoi ? Je ne comprends pas pourquoi… Ces caméras, une fois qu’elles seront mises, elles ne seront plus enlevées. Ça, on le sait. Avec les attentats, c’est un peu la même chose. Il y a ce qu’on appelle l’effet « cliquet » dans ces technologies. C’est-à-dire que quand vous faites un pas en avant, vous ne faites [plus] jamais le pas en arrière.

Les gens s’habituent et du coup, tous les prétextes sont bons pour arriver à nous en donner un petit peu plus. C’est exactement ça qui est en train de se passer pour la crise. On en veut plus. On a vu que le numérique nous sauvait la vie et donc, il faut mettre en place plus, plus, plus et on sait très bien que cela soient des caméras, des logiciels, etc., on va faire difficilement marche arrière. Il faut être doublement prudent en sachant ça. Il faut toujours savoir dans quoi on va s’engager et garder une vision sur du long terme. Quand on prend une décision – dans ce cas-ci – dans l’urgence, je pense qu’il y a pas mal de choses qu’il faut faire. La limiter dans le temps et puis s’assurer qu’après cette période ce sera retiré pour ne pas arriver à des dérives ou en tout cas à de la banalisation de la surveillance.

Oui je suis tout à fait d’accord. C’est très bien de le rappeler que ce « on » ce n’est pas nous. Et qu’il y a des intérêts qui sont financés derrière. Il faut toujours avoir à l’esprit que quand les gens vous font des discours sur le numérique, sur le progrès, etc., – moi ce que je me dis toujours c’est : qu’est-ce qu’ils ont à me vendre ? Ça, c’est très important.

Il y a eu un débat à la R.T.B.F. sur la 5G enfin pas un débat, mais une explication, une clarification. Ben le gars qui a été invité c’était le patron de Proximus. Un gars très bien mais forcément, c’est dans son intérêt – le secteur des télécommunications – . La 5G est un des seuls vecteurs de croissance qu’ils ont. Forcément, ils vont nous dire que c’est très bien et c’est comme ça. Et on va avoir tous les avantages. Je trouvais dommage qu’il n’y ait pas quelqu’un en face qui aurait pu aussi lui dire tous les problèmes que ça poserait. Et le problème c’est que ces intérêts dont on parle sont des intérêts de quelques-uns. Ce sont des intérêts de gens qui font la technique en fait, des entreprises ou des ingénieurs, des startups ou tout ce que l’on veut…Ce monde dont je viens et dans lequel j’ai contribué largement et qui finalement dessine un projet de société où il y a des caméras partout et tout ce qu’on vient de décrire se passe. Pour eux, c’est comme ça, il n’y a pas d’alternatives possibles.

Ils prennent toujours l’image de la vague. La vague du numérique arrive sur vous ? Soit, vous mourez, soit vous apprenez à surfer. C’est le truc des consultants et ça marche toujours. L’image est belle, mais ce n’est pas une vague naturelle. Le changement climatique est une vague naturelle. Il n’y pas quelqu’un qui s’amuse – on est un peu responsable de ce qui se passe [il est vrai] même beaucoup – mais le réchauffement climatique, il est là. Et il va falloir composer avec. Les technologies ce n’est pas ça. Les technologies ce n’est pas une vague qui est là et il faut faire avec. Non. Les technologies ce sont des gens qui prennent des décisions qui développent des technologies pour une certaine vision de la société.

STEVE TUMSON