« NOS MYTHOLOGIES ÉCOLOGIQUES. »

En fait, ces mythologies ce sont des phrases que j’ai piochées par-ci, par-là en écoutant des émissions radio un peu mainstream, en participant à des débats sur le sujet ou même par rapport à des questionnements de proches ou de mes élèves et ce sont souvent les mêmes questions. Une des plus fréquente, c’est cette question de la démographie qui dirait que en gros, bin, le problème c’est qu’on est 8 milliards. On est trop nombreux pour la planète donc point barre quoi.

C’est pas totalement faux hein ! 8 milliards ça pose plus de problèmes que si on était quelques centaines de millions. Maintenant c’est un peu simpliste de dire que c’est juste une question de démographie. Si on regarde par exemple – et il y a plein d’arguments par rapport à ça et le premier est que – dans les 8 milliards il y a une grande partie – quelques millions en particulier- dans les pays pauvres qui ont une empreinte écologique qui est complètement dérisoire donc, ils ne sont absolument pas responsables de la situation actuelle et même dans nos pays riches, vous avez énormément de gens qui vivent dans de petits appartements pas chauffés qui n’ont pas de voiture. On ne peut pas mettre toute l’humanité sur le même point quoi.

Puis, deuxième problème également quand on parle de la démographie, implicitement souvent on culpabilise les pauvres parce que c’est eux qui font encore le plus d’enfants aujourd’hui. C’est souvent ce qui revient mais clairement dans les pays pauvres en Afrique subsaharienne [par exemple] ils font encore plus d’enfants par couple que chez nous, mais déjà il faut se poser la question du pourquoi est-ce qu’il y a autant d’enfants ? Et en général ce que l’on remarque, c’est que la plupart des pays où on commence à faire moins d’enfants c’est quand les conditions économiques s’améliorent, quand il y a des systèmes de sécurité sociale. Quand il y a des systèmes d’éducation des filles, etc. Déjà on peut rééquilibrer les richesses entre le Nord et le Sud et la « démographie galopante » diminuera et puis ce que l’on oublie souvent c’est que le nombre par femme diminue partout en fait. Même dans les pays où les femmes font beaucoup d’enfants, elles en font moins. Et en fait ce qui provoque la hausse de la population depuis des décennies c’est le fait que les gens vivent plus vieux.

Quand on prend le problème sous cet angle-là, on arrive à des réponses qui mettent des fois les gens mal à l’aise parce que le problème n’est pas que l’on fait trop d’enfants, mais que l’on vit trop vieux. Même dans les pays pauvres l’espérance de vie augmente quand même. Du coup, qu’est-ce qu’il faut faire ? Supprimer une partie de la population ? Leurs solutions [ à ceux qui ont du pouvoir et qui développent cette idée] c’est quoi ? Supprimer une partie de la population ou pas c’est un peu une question qui n’a pas de réponse. C’est une question qui me dérange vraiment parce que excepté qu’elle culpabilise souvent les plus pauvres – d’ailleurs c’est le cas de nombreuses mythologies – elles empêchent de se poser la question de la nature de notre système et des causes de la crise écologique majeure. Et les causes – on en a parlé tout à l’heure – c’est notre mode de production, d’accaparement des richesses, notre mode de communication et c’est davantage ça que la surpopulation.

RENAUD DUTERME – NOS MYTHOLOGIES ÉCOLOGIQUES – DÉCONSTRUIRE LES IDÉES REÇUES SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE – ÉDITIONS : LES LIENS QUI LIBÈRENT –

ILLUSTRATION : AUTEUR – ALBERT ROBIDA (1848-1926) – ROMAN DE SCIENCE-FICTION – PARIS – 1893 – LE VINGTIÈME SIÈCLE LA VIE ÉLECTRIQUE –